Julian Assange a fait dimanche comme attendu une apparition spectaculaire, au balcon de l'ambassade d'Équateur à Londres, demandant au président Obama la fin de la «chasse aux sorcières» contre WikiLeaks et s'affichant bien décidé à ne pas se rendre.

Attendu par des centaines de sympathisants, badauds et journalistes, dans une ambiance électrique, M. Assange, invisible depuis plusieurs mois et réfugié depuis le 19 juin dans cette ambassade, est apparu vers 9h20 au balcon blanc en fer forgé de l'ambassade.

Un balcon situé au rez-de-chaussée surélevé de l'immeuble, protégé donc par le statut diplomatique de l'appartement mais à quelques mètres seulement de policiers britanniques prêts à bondir sur le fondateur de WikiLeaks s'il avait mis le pied dans la rue.

M. Assange, hâlé, élégant en chemise bleu ciel et cravate à motifs bordeaux, a prononcé, sous les vivats et avant de rentrer dans l'immeuble, un discours d'une dizaine de minutes qu'il a conclu en levant les deux pouces en l'air.

Il a d'abord remercié longuement les militants de WikiLeaks, sa famille et surtout les pays d'Amérique du Sud et centrale qui le soutiennent, dont l'Equateur qui s'est «levé pour la justice».

Ensuite, il a prononcé des propos vibrants sur la liberté de la presse à travers le monde, demandant au président Barack Obama de «faire le bon choix», et aux États-Unis de «cesser leur chasse aux sorcières contre WikiLeaks». Il a appelé aussi à la libération du soldat américain Bradley Manning, arrêté en 2010 et soupçonné d'avoir fourni à WikiLeaks les milliers de télégrammes diplomatiques américains publiés par le réseau. S'il a fait ce dont on l'accuse, a-t-il dit, «c'est un héros».

Julian Assange a cité aussi le groupe russe Pussy Riot, dont trois membres ont été condamnés cette semaine à deux ans de camp pour une prestation osée, parmi les victimes des atteintes à la liberté d'expression.

«WikiLeaks est menacé, et la liberté d'expression et la bonne santé de toutes nos sociétés également», a-t-il dit.

Il n'a cependant pas fait la moindre allusion aux raisons pour lesquelles les Britanniques veulent l'extrader vers la Suède: il doit répondre aux questions de la justice sur des accusations de viol et d'agression sexuelle portées par deux jeunes femmes.

Il n'a pas dit non plus s'il comptait se rendre, mais son avocat, l'ancien juge espagnol Baltasar Garzon, a expliqué que M. Assange était «combatif» dans sa lutte juridique, et avait toujours l'intention d'obtenir du Royaume-Uni un sauf-conduit pour sortir du pays sans être arrêté.

Julian Assange a aussi demandé à M. Garzon de «mener une action en justice» pour protéger «ses droits, ceux de WikiLeaks et ceux de toutes les personnes qui font l'objet d'une enquête».

Le casse-tête diplomatique qui l'entoure reste donc entier après cette apparition. Interrogé par l'AFP, le Foreign Office, ministère britannique des Affaires étrangères, a déclaré que les événements du jour «ne changaient rien à notre position».

La porte-parole a renvoyé à une déclaration du ministre William Hague jeudi, expliquant à la fois qu'il n'était pas question de laisser M. Assange sortir libre du pays, mais que le Royaume-Uni était déterminé à chercher une solution diplomatique à cette affaire.

Dimanche matin, un porte-parole de WikiLeaks a appelé la Suède à «déclarer absolument sans réserves que Julian ne serait jamais extradé de Suède vers les États-Unis», ce qui serait, selon lui, «une bonne base» de négociations, mais la Suède a répondu vertement que «le suspect n'avait pas le privilège de dicter ses conditions», tout en précisant : «Nous n'extradons pas des personnes si elles risquent la peine de mort».

Samedi soir à Guayaquil (Equateur), par ailleurs, lors d'un sommet convoqué en urgence, l'Equateur a reçu un puissant soutien de ses amis de l'Alliance bolivarienne pour les Amériques (Alba), qui comprend notamment le Venezuela, Cuba et le Nicaragua. Leurs ministres des Affaires étrangères ont averti le gouvernement britannique qu'une irruption de la police dans l'ambassade londonienne aurait «de graves conséquences dans le monde entier».

Les ministres des Affaires étrangères de l'Union des nations sud-américaines (UNASUR), également convoqués par l'Equateur à Guayaquil pour faire un point sur la situation, ont apporté dimanche leur soutien aux autorités de Quito dans la crise qui les oppose à celles de Londres.

Appelant «les parties à poursuivre le dialogue afin de parvenir à une solution mutuellement acceptable», l'Unasur a réaffirmé «le droit souverain des États d'accorder l'asile».

De son côté, l'Organisation des États américains (OEA) convoquera le 24 août à Washington une réunion de ses membres, à laquelle ne participeront ni les États-Unis ni le Canada.

Pour sa part, à Sydney, en Australie, dont il est citoyen, la mère de M. Assange a jugé «très réaliste» que son fils puisse finalement aller en Equateur. Elle a dit à la chaîne de télévision ABC 24, qu'il avait «des milliards de partisans dans le monde», tandis que «les Etats-Unis et leurs alliés étaient pratiquement seuls dans cette affaire». Elle a suggéré que «peut-être le Royaume-Uni pourrait décider de cesser d'être le toutou des États-Unis».

Elle a estimé qu'une fois là-bas, son fils s'adonnerait à l'alpinisme et «pourrait poursuivre son travail de journaliste d'investigation».