Hier, l'Équateur a annoncé qu'il offre l'asile politique à Julian Assange, instigateur du site WikiLeaks. La Grande-Bretagne, qui veut l'extrader en Suède, où il doit avoir un procès, menace d'entrer dans l'ambassade pour arrêter le fugitif, faisant fi de l'immunité habituellement accordée aux représentations étrangères. Survol d'un branle-bas de combat diplomatique en quatre questions et réponses.

Q Pourquoi l'Équateur offre-t-il l'asile politique à Julian Assange?

R En conférence de presse hier, le ministre des Affaires étrangères de l'Équateur, Ricardo Patino, a affirmé que M. Assange fait face à une menace de persécution. Selon M. Patino, cette menace n'est pas liée à la Suède, où M. Assange doit avoir un procès pour viol et agression sexuelle, mais plutôt aux États-Unis, qui pourraient tenter d'extrader M. Assange à partir de la Suède. Dans un tel cas, l'Équateur craint que M. Assange ait un procès injuste pour la diffusion d'informations confidentielles sur le web et qu'il soit passible de la peine de mort. Hier, l'avocat de M. Assange a tenu le même discours.

Q Que change l'annonce du statut d'asile politique de l'Équateur pour Julian Assange, qui se cache déjà dans l'ambassade du pays d'Amérique du Sud depuis le 19 juin?

R Pas grand-chose, selon François Crépeau, professeur de droit à l'Université McGill et rapporteur spécial des Nations unies sur les droits des migrants. «Le statut d'asile politique n'est pas une institution internationalement reconnue. C'est une pratique de nombreux États. Le seul endroit où il y a une convention sur la chose est en Amérique latine», note l'expert du droit international, qui explique que les nombreux coups d'État qui ont ébranlé l'Amérique latine ont rendu la pratique commune sur le continent. Les États-Unis ont toujours refusé d'adhérer à cette convention.

Q La Grande-Bretagne pourrait-elle mettre à exécution ses menaces et entrer dans l'ambassade de l'Équateur à Londres?

R À ce sujet, François Crépeau note qu'un tel acte créerait un précédent, sans pour autant constituer une faute aux yeux de la loi internationale. L'expert rappelle que la convention de Vienne accorde l'immunité aux diplomates, mais pas nécessairement aux ambassades. Cependant, dans la pratique, les pays n'interviennent jamais dans une ambassade sans en avoir préalablement demandé la permission. «L'immunité de l'ambassade n'est pas un droit absolu. Beaucoup de gens croient que c'est un territoire étranger, mais ça ne l'est pas», précise M. Crépeau. Ce dernier doute fort cependant que la Grande-Bretagne utilise la manière forte avec l'Équateur étant donné l'effet domino que pourrait causer une telle intervention. «Ça enverrait un bien mauvais message pour le reste du monde», soutient le titulaire de la chaire Hans et Tamar Oppenheimer en droit international public.

Q Quelles options s'offrent à Julian Assange?

R Elles sont peu nombreuses. M. Assange pourrait tenter de quitter l'ambassade pour se rendre à l'aéroport, mais risquerait d'être arrêté par la police anglaise en route vers l'avion. L'utilisation d'une valise diplomatique pour lui permettre de prendre la poudre d'escampette paraît peu probable. Sinon, l'Australien devra rester cloîtré dans l'ambassade jusqu'à ce que la Grande-Bretagne et l'Équateur en viennent à une entente, estime M. Crépeau. Il précise que la plupart des cas semblables répertoriés dans le passé ont fait l'objet de négociations entre les pays concernés.