Des diplomates américains ont décrit jeudi devant la justice le dispositif de crise mis en place pour amortir le scandale WikiLeaks, après la fuite de milliers de documents que Bradley Manning est accusé d'avoir téléchargés depuis des ordinateurs du gouvernement.

Au deuxième jour d'une audience préliminaire prévue pour en durer trois devant une cour martiale de la base militaire de Fort Meade (est), Bradley Manning, 24 ans, «taupe» présumée de WikiLeaks, prenait frénétiquement des notes pendant la déposition de responsables du département d'État.

Rena Bitter, directrice du Centre des opérations au département d'État, a expliqué comment des groupes de travail avaient fonctionné entre novembre 2010, peu après que le scandale éclate, et juillet 2011. Des dizaines de milliers de dépêches diplomatiques entre Washington et ses ambassades à l'étranger avaient alors été diffusées par WikiLeaks, déclenchant une tempête d'ampleur internationale.

Au département d'État, chaque groupe était composé de 25 personnes travaillant nuit et jour. Au plus fort de la crise, pendant les premières semaines, «nous travaillions entre 18 et 20 heures par jour, par vacation», a témoigné Mme Bitter.

L'un était chargé des «risques potentiels pour les individus», un autre était baptisé «groupe WikiLeaks», un autre «comité d'arbitrage».

Mme Bitter a souligné que le rôle du centre des opérations consistait à «coordonner la réponse du département d'État à une crise publique» quand «tout le monde doit parler d'une seule voix».

«Nous avons fait ce que nous faisons en général dans une crise, nous avons formé des groupes de travail, (...) les premiers moyens pour répondre à cette crise», a-t-elle dit.

«Il était important de rester en amont de l'information» avant qu'elle ne soit rendue publique, a-t-elle dit, soulignant qu'il s'agissait de «connaître la base de données des informations susceptibles d'être compromises et la base de données (déjà) dans le domaine public».

Marguerite Coffey, ancienne directrice du Bureau de la gestion des politiques au ministère, a pour sa part souligné que le comité d'arbitrage qu'elle gérait alors s'était «concentré sur les questions d'accès au système sécurisé», avait «mené une révision complète de tout le réseau du département d'État» et «revu tous les protocoles».

Elle a indiqué que le fruit de ce travail avait été réuni dans un dossier dont elle «ne sait pas s'il existe encore aujourd'hui».

Témoignant par téléphone, Catherine Brown, adjointe du sous-secrétaire d'État chargée du renseignement au ministère des Affaires étrangères, a fait état d'un rapport évaluant les conséquences des fuites dont est accusé Bradley Manning.

«Je dirais que c'était un long document, cela m'a pris plusieurs semaines pour le finir», a-t-elle déclaré à la cour.

La responsable a souligné, à la demande de David Coombs, avocat civil du soldat Manning, que «les avis des ambassades et des consulats avaient été recueillis à travers le monde et rassemblés dans un document».

«Je pense que nous allons continuer à voir pendant de nombreuses années les conséquences de WikiLeaks», a-t-elle encore déclaré. Le gouvernement américain affirme que ces fuites ont mis en danger la sécurité des États-Unis, mais aucun rapport évaluant précisément les conséquences n'a été pour l'heure publié.

Me Coombs a formellement demandé à la Cour martiale de pouvoir disposer des documents dont les témoins du département d'État ont fait état, comme la juge lui avait accordé la veille ceux de l'Agence du renseignement du Pentagone (DIA), mais l'accusation a obtenu un mois pour les revoir.

Les avocats ont réclamé jeudi l'abandon de dix des 22 chefs d'inculpation qui pèsent sur Bradley Manning. La juge devrait annoncer sa décision vendredi.