Le fondateur de WikiLeaks, Julian Assange, s'est entretenu avec le chef du mouvement chiite libanais Hezbollah, Hassan Nasrallah, dans la première d'une série d'émissions diffusée mardi par la chaîne télévisée russe en anglais, RT.

L'entretien a été réalisé en différé depuis l'Angleterre, en duplex vidéo avec M. Nasrallah qui s'exprimait «depuis un lieu secret au Liban», a indiqué le créateur de WikiLeaks.

Le chef du Hezbollah, allié de Damas, a notamment été interrogé sur la situation en Syrie, où depuis plus d'un an le régime écrase un mouvement de contestation, faisant plus de 10 000 morts.

Hassan Nasrallah a affirmé que son mouvement avait tenté de favoriser le dialogue.

«Nous avons contacté (...) l'opposition pour l'encourager et pour faciliter le dialogue avec le régime, mais elle a rejeté le dialogue», a-t-il assuré.

«Depuis le départ, nous avons à faire à un régime qui est prêt à faire des réformes et prêt au dialogue. De l'autre côté, il y a une opposition qui n'est pas prête au dialogue, pas prête à accepter les réformes. Tout ce qu'elle veut c'est faire chuter le régime. C'est un problème», a-t-il dit.

Avant la diffusion de cet entretien, le premier d'une série de douze avec Julian Assange comme intervieweur, la rédactrice en chef de RT, Margarita Simonian, avait indiqué sur son compte Twitter que le premier invité serait une personnalité controversée.

M. Assange est assigné à résidence dans l'attente d'une décision définitive de la justice britannique sur une demande d'extradition de la Suède dans une affaire de viol et d'agressions sexuelles, qu'il nie.

RT, qui s'appelait à l'origine Russia Today, est une chaîne russe d'information étatique, diffusée en anglais, en arabe et en espagnol.

Pour l'émission The World Tomorrow (Le monde de demain), qui doit être diffusée à un rythme hebdomadaire, le fondateur de WikiLeaks s'est entretenu avec des «hommes politiques, révolutionnaires, intellectuels, artistes et visionnaires», selon RT.

Ils constituent «quelques-unes des personnes les plus intéressantes et controversées dans le monde actuel», a expliqué la chaîne qui ne révèle pas à l'avance le nom des invités.

De son côté, M. Assange a dit, dans une interview publiée mardi sur le site RT.com, s'attendre à de nombreuses critiques pour cette émission.

«Voilà Julian Assange, combattant ennemi, un traître, qui se couche dans le lit du Kremlin et mène des interviews avec de terribles (militants) radicaux de partout dans le monde», a-t-il ironisé.

«Si (les détracteurs) regardent comment l'émission est faite, (ils verront) que nous avons un contrôle éditorial total (...), RT est la voix de la Russie, donc observe les choses du point de vue russe. La BBC est la voix du gouvernement britannique, Voice of America est la voix du gouvernement américain», a poursuivi M. Assange.

«Du point de vue du marketing, des relations publiques, c'est un joli coup» pour RT et Assange, relève Anna Katchakaeva, spécialiste des médias à la radio russe Svoboda, financée par le Congrès américain.

«La chaîne a attiré l'attention sur elle et a forcé les médias internationaux à en parler», juge-t-elle.

Pour Maria Lipman, du centre Carnegie à Moscou, l'émission de Julian Assange donne une visibilité à la chaîne et sert les intérêts russes.

«Assange déteste les États-Unis, c'est son credo, comme le chef du Hezbollah. Et la position officielle russe vis-à-vis des Américains est double: d'un côté la relance des relations (...) de l'autre une propagande anti-américaine effrénée», relève-t-elle.

Mais au-delà du coup d'éclat, Mme Lipman doute que cette stratégie soit payante à long terme.

«Si le but est de concurrencer la BBC, Al Jazeera, CNN, ça ne va pas dans le bon sens, le recours au scandale ne convient pas aux ambitions de réunir une large audience internationale», juge-t-elle.

De son côté, M. Assange assure ne pas pouvoir travailler pour un média occidental, sa première cible étant les États-Unis.

«Nous sommes dans une confrontation avec le département de la Justice des États-Unis (...) nous avions besoin d'un média partenaire qui ait la capacité de parler», a-t-il souligné.

«Si WikiLeaks avait publié un grand volume de choses sur la Russie, la situation aurait peut-être été différente. Mais pour l'instant notre grande confrontation est avec l'Occident», a-t-il martelé.

Il a aussi accusé les médias américains d'être «incapable de critiquer les abus de la puissance militaire américaine» et la BBC de lui être «hostile».

En Russie, le fondateur de WikiLeaks avait reçu en décembre 2010 le soutien du premier ministre, Vladimir Poutine. «Pourquoi a-t-on mis Assange en prison? C'est ça la démocratie?», avait-il lancé à l'époque. Le président Dmitri Medvedev avait, lui, noté que «le cynisme des appréciations et des raisonnements» américains avaient été exposés.