Bradley Manning, le jeune soldat américain accusé d'avoir fourni des dizaines de milliers de documents secrets à WikiLeaks et d'avoir ébranlé la sécurité nationale américaine, comparaîtra devant la justice militaire à partir de vendredi à Fort Meade dans le Maryland.

Incarcéré depuis 18 mois, le soldat Manning, dont le sourire juvénile a fait le tour du monde, apparaîtra au grand jour pour la première fois la veille de son 24e anniversaire, qui tombe samedi.

Cet ancien analyste de renseignement en Irak est soupçonné d'avoir fourni à WikiLeaks, qui les a ensuite rendus publics, des documents militaires américains sur les guerres en Irak et en Afghanistan, et des milliers de câbles diplomatiques du département d'État. Il risque la prison à vie.

Première étape avant la cour martiale, cette audience préliminaire est «similaire à un grand jury civil, avec des droits supplémentaires pour l'accusé», selon l'armée de terre.

Manning est accusé en particulier de «collusion avec l'ennemi», «diffusion de renseignements militaires», «publication sur l'internet de renseignements en sachant qu'ils seront accessibles à l'ennemi» ainsi que «fraude et violation du règlement militaire», a détaillé l'armée dans un communiqué.

L'audience, qui devrait durer cinq jours, a pour «principal objectif d'évaluer les forces relatives et les faiblesses de ce dossier du gouvernement et de fournir à la défense la possibilité d'obtenir» des nouveaux éléments avant le procès, a indiqué l'avocat de Manning, David Coombs, sur son blogue.

Les conditions de détention -isolement et régime ultra-restrictif- de Manning à la prison de Quantico, près de Washington, qui avaient valu à l'armée américaine les critiques du monde entier, devraient être soulevées.

Même si elles sont globalement meilleures depuis que Manning est incarcéré au Kansas, ces conditions «étaient extrêmement problématiques», a souligné Ben Wizner, juriste de l'Organisation de défense des libertés ACLU. «Il est fondamental que ce procès soit ouvert et transparent».

La défense a soumis une liste d'une cinquantaine de témoins, mais, avant que le tribunal militaire ne tranche, le gouvernement s'y est opposé dans sa quasi-intégralité, a ajouté Me Coombs.

Parmi ces témoins cités par la défense, la secrétaire d'État Hillary Clinton, l'ancien chef du Pentagone Robert Gates et le président Barack Obama en personne.

Leurs noms ont été cachés sur la liste de 20 pages consultées par l'AFP, mais leurs identités sont reconnaissables par les explications qui les accompagnent.

S'il était cité, ce qui est improbable, Barack Obama, le témoin 36, devrait par exemple s'expliquer sur sa déclaration du 21 avril 2011 dans laquelle il affirmait que Manning avait «enfreint la loi», ce qui constitue, pour la défense, en sa qualité d'«officier supérieur dans la chaîne de commandement», une «influence illégale de commandement» selon les règles de cour martiale.

Bradley Manning «ne peut pas avoir un procès juste devant la justice militaire, car le président Obama l'a déjà dit coupable», a déclaré à l'AFP Kevin Zeese, membre du comité de pilotage du réseau de soutien à Bradley Manning.

En outre, «il y a des inquiétudes très exagérées sur la nature secrète des documents» rendus publics sur WikiLeaks, a ajouté ce juriste, estimant que ces documents n'ont pas eu «d'impact négatif sur la sécurité nationale».

Ces révélations ont eu toutefois «un rôle de catalyseur pour le mouvement de démocratisation au Moyen-Orient», a indiqué l'ancien analyste militaire Daniel Ellsberg, soulignant au cours d'une télé-conférence leur «impact énorme» et «l'absence de preuves» de leurs conséquences néfastes.

«Il encourt la prison à vie pour nous avoir dit la vérité», a ajouté M. Ellsberg.

Le procès ne devrait pas se tenir avant le printemps.