Les avocats de Julian Assange agitent devant la justice britannique le risque que leur client soit condamné à mort ou envoyé à Guantanamo s'il venait à être extradé vers les États-Unis, une perspective jugée «impossible» par les experts.

La simple venue du fondateur de WikiLeaks sur le sol américain pour son procès reste plus qu'incertaine, alors que les avocats de l'administration Obama se débattent depuis trois mois pour dénicher dans le droit américain quelles charges pourraient bien être retenues contre lui.

«Il n'y a aucun risque pour que Julian Assange soit envoyé à Guantanamo ou qu'il soit condamné à mort pour trahison», assure à l'AFP Dan Marcus, professeur de droit à l'American university de Washington.

«Plusieurs personnes ont suggéré que WikiLeaks pourrait être déclarée organisation terroriste, mais c'est impossible en vertu de nos lois et ça n'aurait aucun sens», poursuit le spécialiste, en rappelant que l'administration américaine n'a plus envoyé aucun prisonnier à Guantanamo depuis des années.

Au-delà, la possibilité même que Julian Assange soit un jour poursuivi aux États-Unis, patrie de la liberté d'expression, reste hypothétique.

Interrogé par l'AFP, le ministère de la Justice américain a refusé tout commentaire sur l'avancée de l'enquête pénale ouverte dès l'été 2010 après la publication de dizaines de milliers de documents sur les opérations américaines en Irak et en Afghanistan et relancée fin novembre lors de la publication de 250 000 télégrammes diplomatiques américains.

Si les plus hautes personnalités de l'administration ont répété qu'elles étaient déterminées à traîner Julian Assange en justice, jusqu'ici rien n'est encore venu corroborer ces propos.

Tentés d'utiliser leur loi sur l'Espionnage, vieille de plus d'un siècle, les États-Unis se sont en effet rendus compte que celle-ci était obsolète. Le Congrès a envisagé de la réformer mais, observe Steve Vladeck, professeur de Droit, «ce type de débat réapparaît tous les cinq-six ans et, à chaque fois, la réponse est: ne rien faire».

Autre stratégie à disposition des enquêteurs, la mise en évidence d'un complot entre Julian Assange et le jeune soldat américain Bradley Manning désigné comme le pourvoyeur des documents et jusqu'ici la seule personne incarcérée aux États-Unis dans le cadre de l'affaire WikiLeaks.

Mais là encore, selon des médias américains, les États-Unis calent.

Julian Assange est un client judiciaire revêche d'autant plus qu'il se définit comme un journaliste ayant accompli son travail de recherche d'informations. Protégée par le Premier amendement de la Constitution, la liberté de la presse est intouchable outre-atlantique.

«Comment le Premier amendement pourrait-il ne pas s'appliquer pour WikiLeaks?», interroge Victoria Toensing, avocate qui a servi sous l'administration Reagan. «Qui est l'administration pour décider que le New York Times est protégé (par le Premier amendement) et que nous, simples individus, ne le sommes pas?», poursuit-elle.

Elle rappelle en outre que l'extradition de Julian Assange vers les États-Unis, dont il n'est ni citoyen ni résident, réclame l'accord des pays européens dans lesquels il est aujourd'hui poursuivi.

À trois reprises au moins ces dernières années, ajoute Dan Marcus, la presse américaine a publié des enquêtes pour le moins gênantes pour l'administration en toute impunité, par exemple sur l'existence d'un programme de surveillance électronique de la population américaine.

Et quand le ministre de la Justice de George W. Bush, Alberto Gonzales, a «fait l'erreur de suggérer que le gouvernement pourrait faire cesser ces publications», il a été tellement critiqué qu'il a dû «battre en retraite», explique-t-il.