Le correspondant à Moscou du quotidien britannique Guardian a été interdit d'entrée en Russie et remis dans un avion pour Londres, une expulsion digne de la guerre froide qui pourrait être liée à ses publications peu flatteuses pour le pays, issues du site WikiLeaks.

Le rédacteur en chef du Guardian, Alan Rusbridger, a dénoncé «une nouvelle atteinte préoccupante à la liberté de la presse» en Russie, et un porte-parole du Foreign office a indiqué lundi soir que le ministre des Affaires étrangères William Hague avait appelé son homologue russe Sergueï Lavrov.

«Nous attendons une réponse», a-t-il dit.

Le journaliste, Luke Harding, «a été interdit d'accès en Russie sur la demande d'un des services (de sécurité) russes», a indiqué mardi une source au sein des services russes, citée par l'agence officielle RIA Novosti, sans donner plus de précisions.

Le service des gardes-frontières russes, qui dépend des services spéciaux FSB, a également refusé de donner plus d'explications.

«On a le droit d'interdire à un citoyen étranger l'accès à la Russie sans explications», a souligné un responsable des gardes-frontières, cité par Interfax.

Le journaliste britannique a été expulsé le week-end dernier, alors qu'il rentrait à Moscou après avoir passé deux mois à Londres, travaillant sur les révélations du site WikiLeaks tirées de notes diplomatiques américaines, selon un communiqué du journal.

Le Guardian a publié certaines de ces notes diplomatiques en décembre, dont une où la Russie est qualifiée d'«État mafieux».

Le président russe Dmitri Medvedev et le Premier ministre Vladimir Poutine ont à maintes reprises minimisé publiquement le dommage porté à la Russie par les câbles américains diffusés par ce réseau.

Aucun commentaire de la diplomatie russe n'était disponible mardi matin sur cette expulsion, une première depuis la fin de la guerre froide selon le Guardian.

Dans ses publications de décembre, le journaliste du Guardian révélait les appréciations contenues dans les câbles secrets américains sur les liens entre les hauts responsables russes, les oligarques et le crime organisé.

Un procureur espagnol cité dans un de ces câbles décrivait la Russie comme «un État mafieux» virtuel dont les partis politiques agissent «main dans la main» avec le crime organisé.

Dans un autre, un haut responsable américain se demandait si l'homme fort du pays, Vladimir Poutine, n'avait pas été au courant de la préparation de l'assassinat du dissident Alexandre Litvinenko à Londres.

L'ex-agent russe Alexandre Litvinenko, devenu opposant à Vladimir Poutine, alors président, est mort à Londres d'un empoisonnement au polonium 210 en novembre 2006. La police britannique a accusé l'ex-agent du KGB Andreï Lougovoï de l'assassinat mais la Russie a refusé de l'extrader.

Luke Harding, qui a remporté plusieurs prix de journalisme, a été en poste à New Delhi, Berlin et Moscou. Il a aussi couvert pour le Guardian plusieurs conflits, dont ceux d'Irak et d'Afghanistan.

Il a récemment écrit avec David Leigh, également journaliste au Guardian, un livre sur leurs contacts avec le fondateur de WikiLeaks Julian Assange et les conditions de publication des documents diplomatiques américains transmis par le site WikiLeaks.

Le président de l'Union des journalistes russes Vsevolod Bogdanov a appelé les autorités à «rendre publiques les raisons pour lesquelles l'expulsion a été décidée».