L'affirmation de la Tunisie à l'effet qu'elle ne torture pas de prisonniers est de la «bullshit», a accusé un ex-ambassadeur du Canada en Tunisie, Bruno Picard.

M. Picard, qui est aujourd'hui à la retraite, a fait cette déclaration lors d'une réunion à huis-clos avec des homologues de différents pays, dont les États-Unis, en juin 2009. Ses propos, qui sont évoqués dans un câble diplomatique américain rendu public par le site web Wikileaks, ont déjà été rapportés dans des médias de la région.

Les ambassadeurs des États-Unis, de l'Italie et du Canada, entre autres, s'étaient réunis vers cette date pour discuter d'une demande faite par le gouvernement tunisien, qui souhaitait rapatrier chez lui ses ressortissants emprisonnés à Guantanamo.

Certains pays semblaient craindre des risques de torture. Pour prouver sa bonne foi, Tunis a donné l'exemple de l'imam Said Jaziri, qui vivait à Montréal avant d'être déporté en Tunisie à l'automne 2007. Le Canada lui reprochait d'avoir caché ses antécédents judiciaires lors de sa demande d'asile.

Mais Bruno Picard a trouvé l'exemple peu convaincant. «L'ambassadeur canadien a dit que les comparaisons entre Jaziri et les détenus de Guantanamo étaient de la merde», a relaté l'auteur du document, l'ambassadeur américain Robert F. Godec.

M. Picard aurait ainsi fait valoir que Said Jaziri était un «petit criminel», pas un terroriste. «Le gouvernement canadien a revu le dossier de Jaziri avec attention et il a décidé qu'il pouvait être transféré», a noté l'ambassadeur.

«La décision canadienne, a suggéré Picard, aurait pu être différente si Jaziri avait été accusé de terrorisme», a ajouté M. Godec. Said Jaziri a été maintenu sous garde après son arrivée en Tunisie, mais il n'aurait pas été emprisonné.

Le reste du document permet de comprendre un peu mieux cette réticence de l'ambassadeur du Canada de l'époque à l'égard du système carcéral tunisien.

«L'ambassadeur canadien (...) dit avoir eu des preuves directes et de première qu'un prisonnier a été victime de torture et de mauvais traitements pendant plusieurs mois», peut-on lire dans le compte-rendu diplomatique.

Ainsi, selon m. Picard, «les affirmations du gouvernement de Tunisie qu'elle ne torture pas sont de la bullshit».

Fidèle à son habitude depuis le début de la publication des milliers de câbles américains par Wikileaks, dimanche, le gouvernement Harper a refusé de faire des commentaires.