La police de Ferguson, théâtre d'émeutes après la mort d'un jeune Noir tué par un policier, se rendait régulièrement coupable de racisme, mais le policier ne sera pas poursuivi, selon un rapport très attendu du ministère américain de la Justice.

La police de Ferguson adoptait des comportements discriminatoires de manière «routinière» en violation de la Constitution, selon le ministère qui a enquêté sur les pratiques policières dans cette ville, où manifestations et émeutes ont eu lieu après la mort en août 2014 de Michael Brown, 18 ans, qui était non armé.

Une seconde enquête portant spécifiquement sur les circonstances du décès du jeune homme a conclu que les preuves manquaient «qui justifierait une inculpation» du policier Darren Wilson, auteur des tirs mortels, au titre d'une violation des droits civiques.

La famille de Michael Brown, dans un communiqué de presse, a exprimé sa «déception» de voir que «le meurtrier de (leur) fils ne serait pas tenu comptable de ses actions».

Elle est néanmoins «encouragée de voir que la police de Ferguson est tenue comptable de pratiques discriminatoires (...) La mort de notre fils n'aura pas été vaine si des changements interviennent, pas seulement à Ferguson, mais aussi dans le pays», ajoute-t-elle.

Ce rapport était très attendu, les événements survenus à Ferguson ayant attisé pendant des mois la colère de la communauté noire et des militants des droits civiques.

Une communication confuse des autorités et l'usage disproportionné de la force par une police blanche surarmée, avaient indigné l'opinion. La colère avait encore été exacerbée après la décision d'un grand jury local de ne pas poursuivre le policier Wilson, qui a depuis quitté la police.

«Les plus vulnérables» ciblés

Mercredi, dans un communiqué de presse, le ministre de la Justice Eric Holder a affirmé que l'enquête a montré «une communauté profondément divisée, où la méfiance et l'hostilité caractérisaient souvent la rencontre de la police et des habitants».

Dans un rapport de 105 pages sur les pratiques policières, le rapport note que Ferguson compte une population à 67% noire. Pourtant, de 2012 à 2014, 85% des voitures arrêtées par la police étaient conduites par des Noirs, 90% des personnes recevant des amendes; 93% des personnes arrêtées; 95% des accusés d'infractions piétonnières et 94% des accusés de refus d'obéir étaient noirs.

Les Noirs étaient deux fois plus fouillés que les Blancs lors des contrôles de véhicule, mais détenaient à 26% de moins, des objets illégaux.

Le système judiciaire n'est pas épargné. Le rapport démontre ainsi comment les tribunaux «s'en prenaient particulièrement aux plus vulnérables des citoyens», notamment les plus pauvres, souvent des Afro-Américains, où des infractions mineures, faute de pouvoir les payer, pouvaient conduire à des dettes grandissantes, à la prison, à la perte d'un emploi ou d'un logement.

L'enquête s'est appuyée sur des centaines d'entretiens et a passé en revue quelque 35 000 pages de rapports policiers et autres documents.

Le ministère qui appelle les autorités de la ville à prendre rapidement des mesures, propose une série de 26 recommandations pour faire cesser ces pratiques anticonstitutionnelles, priorité à la sécurité et non à l'argent généré, formation, usage moindre de la force, etc.

Dans un pays où le spectre du racisme et de la discrimination vis-à-vis de la population noire est toujours présent, le président Barack Obama, premier président noir des États-Unis, avait reconnu que le problème dépassait largement Ferguson.

Dans «trop d'endroits, il existe une profonde défiance entre les forces de l'ordre et les communautés de couleur», avait-il dit au moment des émeutes.

Deux autres drames similaires avaient déclenché des campagnes de protestation à travers le pays. Un petit garçon noir de 12 ans avait été abattu à Cleveland par la police alors qu'il manipulait une arme factice dans un square et un homme noir, Eric Garner était mort après une interpellation musclée à New York.