Personne ne reprocherait à Amanda Lindhout de ne jamais vouloir remettre un pied en Somalie. L'ex-journaliste canadienne devenue travailleuse humanitaire y a été tenue en otage et torturée pendant 15 longs mois avant d'être relâchée en novembre 2009. Interpellée par la famine qui y sévit, elle compte néanmoins y retourner aujourd'hui. Notre journaliste l'a rencontrée au Kenya à la veille de son départ.

La première fois qu'Amanda Lindhout a visité la Somalie, elle n'avait avec elle qu'un calepin et un crayon. Elle tenait à raconter l'histoire oubliée des civils somaliens, victimes de 20 ans de conflit. Et ce, malgré l'immense danger qu'elle courait dans ce pays au bord du chaos. Cette mission s'est très, très mal terminée.

La jeune journaliste originaire d'Alberta et le photographe australien qui l'accompagnait, Nigel Brennan, ont été kidnappés par un groupe d'adolescents islamistes qui les ont gardés captifs pendant 15 longs mois.

Quand elle est rentrée au Canada, en novembre 2009, Amanda Lindhout était rachitique et refusait de donner des détails sur sa terrible captivité, au cours de laquelle elle a été enchaînée, battue et torturée.

Un an et demi plus tard, c'est une tout autre Amanda qui est assise dans le bar où les employés du Haut-Commissariat des Nations unies pour les réfugiés viennent prendre un verre après une longue journée de travail dans les camps de Dadaab, au Kenya, où se pressent des dizaines de milliers de personnes qui fuient la famine en Somalie.

La jolie brune d'à peine 30 ans, qui a fondé après sa libération l'organisme Global Enrichment Foundation, a les yeux qui pétillent quand elle parle de sa nouvelle mission: livrer elle-même deux camions de denrées alimentaires en Somalie, un pays où la plupart des organismes humanitaires craignent de s'aventurer.

«Je suis revenue en Afrique le mois dernier pour la première fois depuis ma captivité. Pendant que j'étais ici, à Dadaab, les Nations unies ont déclaré qu'il y avait une famine dans le sud de la Somalie. Ça m'a atteinte en plein coeur. Je ne pouvais pas ne rien faire. J'ai sur-le-champ annulé mon billet de retour pour le Canada», raconte-t-elle.

Un convoi pour les réfugiés

Pendant les 10 jours qui ont suivi, Amanda Lindhout et un ami canado-somalien, Abdi Ahmed, ont cogné à toutes les portes à Nairobi, pour récolter des denrées auprès des hommes d'affaires d'origine somalienne qui vivent dans la capitale kenyane.

Résultat de l'opération: deux camions de rations alimentaires devraient traverser la frontière de la Somalie aujourd'hui. Elles seront distribuées aux familles qui sont en chemin vers le camp de Dadaab.

Amanda Lindhout doit se joindre au convoi ce matin. Elle espère ainsi démontrer qu'il est possible d'intervenir directement en Somalie. Plusieurs organisations, en effet, craignent de voir leur aide détournée par la guérilla armée et restreignent leur présence dans le sud du pays. «Mais avec la crise qui sévit en ce moment, nous avons la responsabilité d'intervenir», croit fermement la jeune Canadienne. Les États-Unis semblent en partie partager son point de vue. Avant-hier, l'administration Obama a assoupli les règles pour la livraison d'aide dans le pays.

Traverser pour guérir

Lorsque La Presse l'a rencontrée, Amanda Lindhout ne cachait pas qu'elle avait tout de même certaines appréhensions à la veille de traverser la frontière somalienne malgré l'important dispositif de sécurité qui a été prévu.

«Je ressens un mélange de choses. D'un côté, je suis convaincue que je dois y aller, mais il y a des moments où je suis nerveuse. Il se peut aussi que le fait de retourner en Somalie ait un effet guérisseur, même si ce n'est pas pour ça que je le fais. Je serai peut-être capable de retrouver une partie de moi, perdue pendant ma captivité de 460 jours.»

Cette mission humanitaire est loin d'être une fin pour Amanda Lindhout. À l'automne, elle tentera d'amasser 60 millions de dollars afin d'ouvrir des écoles pour les 200 000 enfants somaliens réfugiés à Dadaab. Une tâche titanesque, reconnaît-elle. «Mais je suis certaine que c'est ma voie.»

La famine s'étend

L'état de famine a été décrété dans trois nouvelles zones du sud de la Somalie, pays le plus touché par la sécheresse dans la Corne de l'Afrique, a indiqué hier un organisme des Nations unies. Ces nouvelles régions comprennent notamment deux lieux où des centaines de milliers de déplacés somaliens se sont rassemblés pour tenter d'avoir de la nourriture. «Les trois régions [concernées] sont la zone de déplacés du couloir d'Afgoye, la communauté de déplacés de Mogadiscio, dans les sept districts de la ville, et dans les districts de Balaad et d'Adale dans le Moyen Shabelle», a précisé Graine Moloney, chef de la cellule Sécurité alimentaire et analyse de la nutrition. Quelque 409 000 Somaliens se sont rassemblés dans la zone du couloir d'Afgoye, a précisé la responsable de l'ONU, ce qui constitue la plus importante zone de déplacés du monde. AFP

Photo archives PC

La travailleuse humanitaire Amanda Lindhout.