L'impuissance de la police britannique face aux émeutes qui secouent Londres jette une lumière crue sur les difficultés accumulées depuis des mois par Scotland Yard, affaiblie par la démission de son patron dans l'affaire Murdoch et démoralisée par les coupes budgétaires.

Scotland Yard a reconnu mardi avoir affaire à une situation «sans précédent», en raison de «la nature et de l'ampleur des violences» qui ont embrasé plusieurs quartiers défavorisés, mais aussi aisés de la capitale britannique.

«Les policiers n'ont jamais été aussi débordés», a admis l'un de ses responsables, Stephen Kavanagh. «Nous n'avions simplement plus d'unités à envoyer», a concédé un autre policier, Paul Deller, alors que des émeutiers ont pu vandaliser pendant plusieurs heures des magasins de Londres ces derniers jours avant que la police n'intervienne.

Face à ces aveux d'impuissance, le premier ministre David Cameron, rentré précipitamment de vacances en Italie, a annoncé le déploiement dès mardi soir de 10 000 policiers supplémentaires dans Londres, où devraient désormais patrouiller 16 000 membres des forces de l'ordre. Les congés dans la police ont aussi été suspendus.

Des forces de l'ordre de plusieurs autres régions britanniques, notamment de Lancashire et du Great Manchester (nord-ouest de l'Angleterre), formées au maintien de l'ordre, ont notamment envoyé des renforts sur Londres. Et l'Irlande du Nord, province britannique en proie régulièrement à des troubles politico-religieux, a proposé de fournir 20 Land Rover blindés.

La ministre de l'Intérieur, Theresa May, a écarté, au moins à ce stade, le recours à l'armée ou à des canons à eau évoqué par certains élus locaux pour ramener le calme. Le Royaume-Uni dispose de six canons à eau, mais ils sont tous déployés en Irlande du Nord, qui a encore connu en juillet des troubles.

«La police britannique ne travaille pas avec des canons à eau. La police britannique travaille avec l'appui des différentes communautés», a assuré Mme May.

Le travail des forces de l'ordre, qui ont été attaquées ces derniers jours à coups de briques, bâtons et autres bouteilles, est aussi compliqué par l'extrême mobilité des fauteurs de troubles, souvent encagoulés, qui communiquent essentiellement via une messagerie gratuite sur Blackberry.

La configuration de Londres, où les logements sociaux sont répartis sur l'ensemble de la ville, y compris dans des quartiers très aisés, est également propice à la propagation des troubles, ce qui oblige la police à ventiler ses forces, au risque de rendre son action totalement inefficace.

Ces troubles inédits depuis plus de vingt ans interviennent en outre à un très mauvais moment pour la police.

D'abord parce que la réputation de Scotland Yard, accusée d'être proche des dirigeants du groupe de presse de Rupert Murdoch, a été récemment ternie par le scandale des écoutes téléphoniques qui a provoqué la démission en juillet de son chef, Sir Paul Stephenson, non encore remplacé.

Il y a quelques mois, Scotland Yard avait déjà été épinglée pour sa gestion des manifestations estudiantines qui avaient dégénéré à Londres et l'attaque contre la voiture du prince Charles.

Enfin, le moral des forces de l'ordre n'est pas au plus haut, leur budget devant être amputé de 20% d'ici 2014-2015. Un sacré défi alors que Londres s'apprête à accueillir les jeux Olympiques en 2012.

Mardi, la ministre de l'Intérieur Theresa May s'est pourtant voulu rassurante, affirmant que les autorités «regarderaient ce qu'il est nécessaire de faire» pour assurer des Jeux sans incidents.