Les positions de François Hollande sur plusieurs dossiers internationaux, dont la crise de la zone euro et l'Iran, semblent compatibles avec les intérêts des États-Unis, malgré de possibles frictions au sujet de l'Afghanistan avec Barack Obama, notent des experts.

M. Hollande, qui prendra le 15 mai la succession de Nicolas Sarkozy à la présidence française après son élection dimanche, devrait passer la majorité de sa première semaine au pouvoir sur le sol américain: il y est attendu du 18 au 21, successivement au sommet du G8 de Camp David et à celui de l'OTAN à Chicago.

Le président Obama, en lui adressant ses félicitations dès dimanche soir par téléphone, l'a invité à lui rendre visite à la Maison-Blanche avant ces rencontres, signe de l'intérêt que la présidence américaine porte à un pays allié, doté d'un siège permanent au Conseil de sécurité de l'ONU et dont 3600 soldats restent stationnés en Afghanistan.

C'est sur ce dernier dossier que les relations entre MM. Obama et Hollande pourraient partir du mauvais pied: lors de sa campagne, le président français élu a promis de retirer ces militaires avant la fin de l'année, avec deux ans d'avance sur le calendrier de l'OTAN. M. Sarkozy s'était prononcé pour fin 2013.

«Ce sera une décision unilatérale (de Paris), qui fait mauvais effet, mais ce n'est pas non plus la fin du monde, ce n'est pas ce qui va couler le sommet», observe Justin Vaïsse, spécialiste des relations transatlantiques à l'institut Brookings de Washington.

Son collègue Charles Kupchan, du centre de réflexion Council on Foreign Relations, remarque que M. Obama, en se rendant à Kaboul la semaine dernière, a «donné dans les faits sa bénédiction à la fin de la mission, et ce ne sera pas difficile de trouver un accord qui satisfera tout le monde» à Chicago.

Pour M. Vaïsse, M. Obama est surtout concentré sur les dossiers de politique étrangère qui pourraient obérer ses chances de décrocher un second mandat lors de la présidentielle du 6 novembre: Iran et crise de la zone euro.

Sur le dossier nucléaire iranien, M. Hollande «a dit qu'il y aurait de la continuité dans la fermeté» de la part de la France, mais pourrait, contrairement à M. Sarkozy, accepter que l'Iran conserve un programme nucléaire civil, une possible composante d'un accord avec le «groupe des six» qui se retrouve à Bagdad le 23 mai, selon le chercheur.

Sur la zone euro, les États-Unis «veulent contrebalancer l'austérité à tout prix de l'Allemagne», assure M. Vaïsse.

«Je pense qu'on va entendre davantage de commentaires de la part des Américains soutenant la vision de M. Hollande sur le fait que l'on ne peut pas seulement faire de l'austérité, il faut un équilibre entre le rééquilibrage budgétaire» et la croissance, observe Heather Conley, directrice du programme européen d'un autre groupe de réflexion de Washington, le CSIS.

«M. Obama accueillera à bras ouverts un dirigeant européen dont le message est "davantage de croissance et moins d'austérité". C'est ce que Washington dit à l'Europe depuis le début de la crise financière, (même si) l'obsession de Mme Merkel pour l'austérité a fini par l'emporter», assure M. Kupchan.

Mais «cette évolution de la politique française n'est pas sans risques: les marchés pourraient ne pas apprécier la politique intérieure de Hollande (...) et l'on pourrait imaginer un nouveau cycle d'instabilité financière, ce qui est la dernière chose qu'Obama souhaite», dit cet expert.

Plus généralement, «je m'attends à ce que Paris prenne un peu de recul et que M. Hollande ne monte pas en première ligne comme M. Sarkozy l'avait fait dans des dossiers comme la Libye, l'Iran et le Moyen-Orient. Je pense qu'il sera un dirigeant plus circonspect», prédit M. Kupchan.

Mais pour lui, M. Hollande «ne reviendra pas à la politique gaullienne de distanciation vis-à-vis de Washington (...) Je pense que cette ère est terminée. Et c'est M. Sarkozy qui a le mérite de l'avoir enterrée».