Les deux candidats qui s'affronteront dimanche au second tour de l'élection présidentielle française ont croisé le fer, hier soir, lors d'un débat télévisé sous haute tension qui a permis de mettre en relief leurs différences tranchées de style et d'idéologie.

Le président sortant, Nicolas Sarkozy, à la traîne dans les sondages, s'est efforcé pendant toute la durée du face à face de près de trois heures de présenter son opposant socialiste, François Hollande, comme un politicien sans envergure et sans expérience qui serait susceptible de faire sombrer le pays par sa «folie dépensière».

«Votre normalité n'est pas à la hauteur des enjeux», a-t-il lancé à son adversaire après l'avoir accusé à plusieurs reprises de «mentir» pour ternir l'image de son quinquennat. Il est allé jusqu'à le traiter, dans un moment d'agacement, de «petit calomniateur».

Le candidat de gauche a pour sa part cherché, au cours de l'affrontement télévisuel, à ramener le chef d'État au bilan de son quinquennat, en insistant sur l'écart entre les promesses faites avant son élection de 2007 et la situation actuelle difficile du pays, notamment en matière économique.

«Pour vous, c'est très simple, ce n'est jamais de votre faute», a-t-il lancé au représentant de la droite traditionnelle lors d'un échange sur le chômage, avant de l'accuser, à la fin de l'émission, de vouloir jouer sur les peurs des Français pour assurer sa réélection.

Nicolas Sarkozy s'est voulu offensif d'emblée en soulignant à l'attention du candidat socialiste qu'il souhaitait que le débat soit exempt de «formules vaseuses» et qu'il permette à la population française de se faire une idée nette du choix offert.

Les deux hommes se sont d'abord opposés sur la question du déficit commercial du pays. Le candidat socialiste a accusé son adversaire d'avoir laissé se détériorer la situation pendant toute la durée de son mandat, l'autre a accusé la gauche d'avoir «voté non à tout» pour l'empêcher d'avancer.

Sur la question de la dette, le président a accusé François Hollande de proposer des mesures inabordables dans un contexte de crise, en citant en exemple sa promesse de procéder à l'embauche de 60000 enseignants en cinq ans. «Quel père la vertu vous faites!», a-t-il dit.

«Moi, je protège les enfants de la République, vous, vous protégez les plus privilégiés», a rétorqué le candidat socialiste en insistant sur le coût des mesures mises de l'avant durant le quinquennat pour réduire l'imposition des plus riches.

Sur l'Europe, le président s'est moqué de la volonté de son adversaire de conclure un nouveau traité budgétaire pour relancer la croissance, en l'accusant de réinventer «le fil à couper le beurre» en mettant de l'avant des pistes déjà explorées. Il s'est offusqué que son opposant suggère qu'il n'avait rien obtenu de ses négociations avec l'Allemagne, et l'a accusé de vouloir dénigrer la France.

«Ne confondez pas votre personne avec la France», a relevé François Hollande. Il a assuré que les pays européens avaient trop tardé à agir et que beaucoup restait à faire pour véritablement stopper la crise.

Une nouvelle algarade est survenue sur la question du droit de vote aux étrangers que le candidat socialiste veut accorder pour les élections municipales.

Nicolas Sarkozy a affirmé qu'il était «irresponsable» de s'engager dans cette voie puisqu'elle risquait de déboucher sur des demandes «communautaristes» incompatibles avec la laïcité républicaine. Avant de se voir reprocher de virer capot à ce sujet pour complaire à l'électorat d'extrême droite.

François Hollande a ensuite attaqué le président sur sa gestion de l'État, en l'accusant d'avoir administré le pays de manière «partisane», une accusation assimilée à une «calomnie» par son adversaire.

Avant le face à face, qui s'est terminé peu avant minuit, plusieurs spécialistes des firmes de sondage ont rappelé que les débats présidentiels avaient traditionnellement peu d'effet sur les intentions de vote, normalement déjà cristallisées à ce stade de la campagne.

L'équipe du président s'est néanmoins dite convaincue, hier, qu'il pouvait à cette occasion renverser la donne et rattraper le retard de six à huit points de pourcentage qu'indiquent les plus récents sondages.