La dirigeante du Front national, Marine Le Pen, votera blanc au second tour de l'élection présidentielle française parce qu'elle considère les deux candidats toujours en lice comme les représentants d'un «bipartisme siamois» dont elle veut se défaire.

Devant une foule de partisans réunis hier place de l'Opéra, à Paris, à l'issue d'une marche tenue pour marquer l'anniversaire de Jeanne d'Arc, elle a annoncé qu'il n'y avait «rien à attendre» du président sortant, Nicolas Sarkozy, et de son adversaire socialiste, François Hollande.

Il s'agit, dit-elle, «de l'illusion d'un choix présenté par un système qui fait mine de se combattre pour mieux se sauver».

Dans les faits, selon Marine Le Pen, le prochain président français ne sera qu'un «simple employé» de la Banque centrale européenne et c'est conséquemment à celui «qui appliquera le plus servilement possible la politique de rigueur» que reviendra le titre à l'issue du vote prévu dimanche.

La politicienne de 43 ans s'est félicitée du score de 18% qu'elle a obtenu lors du premier tour du scrutin. Elle a relevé que le Front national et ses militants étaient désormais devenus «le centre de gravité de la vie politique française».

«Les débats se structurent autour de nos propositions», a souligné la dirigeante frontiste, qui s'amuse de voir les thèmes comme l'immigration, les frontières et le protectionnisme se retrouver dans le discours des candidats après avoir été longtemps moqués.

«Tout cela trouve grâce à leurs yeux par la grâce de la campagne électorale? Faut-il en sourire ou s'en effarer?», a souligné la dirigeante du Front national en insistant sur le fait que chacun était libre de voter «en son âme et conscience».

Déception et frustration

Dans la foule brandissant des drapeaux français et des bannières indiquant «Marine présidente», rares étaient les personnes hier qui semblaient disposées à faire autre chose que voter blanc ou s'abstenir.

«Je ne me reconnais pas dans les deux finalistes», a expliqué Pascal Voirin, un employé de la Poste qui en veut en particulier à Nicolas Sarkozy.

«Il a volé les voix du Front national en 2007. On ne va pas se faire avoir encore une fois», a déclaré l'homme de 50 ans, qui reproche au président sortant de n'avoir «rien fait» pour lutter contre l'immigration et l'insécurité.

«Sarkozy et Hollande, c'est pareil», a souligné Cynthia Terret, une militante du Front national de 27 ans qui est venue de Grenoble pour assister au rassemblement.

Elle aussi dit vouloir éviter «l'erreur» faite il y a cinq ans en votant pour l'actuel président. «On a voté pour lui et on a eu la crise», souligne la jeune femme.

Le comportement des électeurs frontistes au second tour sera déterminant pour le chef d'État français, qui doit récupérer une part importante des voix obtenues par Marine Le Pen pour conserver une chance de devancer François Hollande.

Hier, lors d'un rassemblement qu'il tenait à la place du Trocadéro devant des dizaines de milliers de personnes, le politicien est revenu sur des thématiques chères au Front national, en évoquant notamment la nécessité de renforcer les frontières.

Benoît Godouet, qui forme des interprètes, s'était doté pour l'occasion d'un drapeau européen afin de rappeler au président de «ne pas oublier ses valeurs européennes». «Il faut rassurer les classes pauvres, mais aussi leur faire entendre qu'il est périlleux de se replier sur soi», a déclaré le militant de 33 ans.

Des centaines de personnes ont été refoulées en raison du dispositif policier mis en place pour encadrer l'événement, que Nicolas Sarkozy avait présenté comme un hommage au «vrai travail». L'expression avait été très mal reçue par les syndicats, qui ont célébré hier, comme le veut la tradition, la fête du Travail avec des marches dans la capitale et dans plusieurs villes de province. Plusieurs personnes ont arboré pour l'occasion des affiches hostiles au président.

François Hollande, qui s'était rendu à Nevers pour participer à un hommage à l'ex-syndicaliste et ministre Pierre Bérégovoy, a déploré qu'une «bataille contre le syndicalisme» ait été lancée par son adversaire.

«Nous sommes conscients ici plus qu'ailleurs de ce devoir impérieux de réunir les Français et non pas de les diviser. Je laisse ça au candidat sortant qui s'imagine qu'il y a deux France qui se font face», a déclaré le candidat socialiste.

54%

Pourcentage de voix que remportera le candidat socialiste François Hollande au second tour du scrutin selon le plus récent sondage, paru à six jours du vote.

La déclaration de Marine Le Pen n'est pas une surprise, ses lieutenants ayant déjà laissé entendre qu'elle ne ferait pas de choix.

Depuis qu'elle est arrivée en position d'arbitre au premier tour, les deux finalistes n'ont eu de cesse de courtiser ses électeurs.

Nicolas Sarkozy, qui ne peut espérer gagner qu'avec leur soutien massif, a droitisé son discours dans l'espoir de récupérer les voix qui en 2007 avaient contribué à sa victoire. François Hollande, en tête et donné gagnant par tous les sondages, essaye d'attirer les électeurs partis se réfugier au FN après avoir été déçus par la gauche dans les années 80.

«Nous avons imposé nos thèmes dans cette élection (...), nous sommes devenus le centre de gravité de la vie politique française, les débats aujourd'hui se structurent autour de nos propositions», s'est réjouie Mme Le Pen.

Dans le même temps, elle a ironisé sur la «danse du ventre» des deux finalistes. «Quel effet cela vous fait-il de passer du statut de fascistes xénophobes à Français ayant de vraies préoccupations et à qui il faut parler ?» a-t-elle demandé.

Marine Le Pen, qui a pour but de faire imploser la droite traditionnelle pour prendre la direction de l'opposition en France, a une nouvelle fois dénoncé la «bipolarisation» et appelé ses partisans à se mobiliser massivement aux législatives de juin.