Le parquet de Paris a ouvert lundi une enquête après une plainte de Nicolas Sarkozy contre Mediapart pour la publication d'une note qu'il a qualifiée de «faux» et concernant un supposé financement libyen de sa campagne de 2007.

La plainte de M. Sarkozy, déposée en toute fin d'après-midi, vise le site Mediapart, son directeur de la publication Edwy Plenel ainsi que les journalistes Fabrice Arfi et Karl Laske, qui ont cosigné samedi un article sur un supposé projet de financement libyen de la campagne de M. Sarkozy en 2007, a indiqué à l'AFP une source judiciaire.

L'enquête, ouverte pour «faux et usage de faux», «recel de ce délit» et «publication de fausses nouvelles», a été confiée au directeur régional de la police judiciaire.

La note publiée par Mediapart est présentée comme signée par Moussa Koussa, ex-chef des services de renseignements extérieurs libyens vivant en exil à Doha, qui l'a qualifiée dimanche de «faux».

Selon ce document, le régime libyen aurait accepté en 2006 de financer pour «50 millions d'euros» la campagne de Sarkozy.

La note était selon Mediapart destinée à un ancien directeur de cabinet de Mouammar Kadhafi, Bachir Saleh, dont la situation restait lundi mystérieuse.

Ce dernier, qui serait recherché par Tripoli via Interpol et, selon l'un de ses avocats, se trouve en France, a démenti dimanche avoir reçu cette note.

Lundi, François Fillon a assuré qu'il n'y avait «aucune trace d'un mandat international» contre cet ex-dignitaire libyen visé par «une notice rouge» d'Interpol pour fraude.

La notice rouge d'Interpol mentionne un autre nom, Bashir Al-Shrkawi, dont les photos consultables sur internet ont été identifiées par l'AFP à Tripoli comme étant celles de Bachir Saleh. L'un de ses avocats, Me Marcel Ceccaldi, a confirmé qu'il s'agissait du même homme.

Le ministre de la Justice, Michel Mercier, a indiqué lundi soir à l'AFP que des «vérifications» étaient en cours afin «d'identifier la personne réellement recherchée par les autorités libyennes».

Les notices rouges sont un moyen par lequel Interpol informe ses pays membres d'une demande d'arrestation et d'extradition, chaque État étant libre d'interpeller ou non la personne recherchée - après «diverses vérifications», a souligné Michel Mercier.

M. Fillon a également affirmé que l'ex-dignitaire libyen avait un «passeport diplomatique du Niger» et était à ce titre «protégé par l'immunité diplomatique». Mais le ministère nigérien des Affaires étrangères a précisé à l'AFP que M. Saleh n'avait plus ce passeport, qu'il avait décidé de restituer.

Sollicité sur le statut de M. Saleh, le ministère français de l'Intérieur n'a pas répondu.

Les accusations véhiculées par Mediapart rappellent celles qu'avait lancées en mars 2011 le fils de Mouammar Kadhafi, Saïf al Islam, qui avait affirmé à Euronews que la Libye avait financé la campagne de M. Sarkozy en 2007.

«Nous déposerons plainte contre Mediapart», avait prévenu Nicolas Sarkozy lundi matin sur France 2, qualifiant la note de «faux grossier».

Mediapart «attend avec sérénité un éventuel procès», a répliqué M. Plenel.

Le président-candidat a ajouté avoir «honte pour l'AFP d'avoir fait une alerte sur un document faux» et plus généralement pour tous ceux qui ont utilisé ce document.

«L'AFP a traité cette affaire avec la rigueur qui caractérise notre démarche d'agenciers, nous en tenant aux faits et recueillant le plus grand nombre possible d'informations et commentaires pour mettre en perspective la publication de cette note», a répondu le PDG de l'AFP, Emmanuel Hoog, dans un courrier à M. Sarkozy.

Interrogé sur cette affaire, M. Hollande a estimé que «c'est à la justice d'être saisie».

«Si c'est un faux, eh bien le site sera condamné, si ce n'était pas un faux, à ce moment-là il y aurait des explications à fournir», a dit le candidat PS à l'Elysée. Ségolène Royal, qui affronta M. Sarkozy il y a cinq ans, veut savoir «si l'élection de 2007 s'est déroulée dans des conditions légales» ou si «pendant cinq ans, Nicolas Sarkozy a exercé son mandat de façon illégitime».

Le ministre de l'Intérieur, Claude Guéant, a quant à lui estimé lundi soir près de Lyon qu'il y avait derrière cette affaire «manifestement une intention de nuire», quelques jours avant la présidentielle.