Le candidat socialiste à la présidentielle en France, François Hollande, a durci sa position vendredi en matière d'immigration, dans une campagne de second tour dominée par les thèmes de l'extrême droite repris sans retenue par le président sortant Nicolas Sarkozy.

«Dans une période de crise, la limitation de l'immigration économique est nécessaire, indispensable», a déclaré à la station de radio RTL M. Hollande, toujours donné largement victorieux le 6 mai par les sondages.

«Chaque année, le Parlement fixera le chiffre des besoins» de l'économie française, a-t-il précisé en jugeant «pas normal qu'un certain nombre d'employeurs, de façon cynique, utilisent de la main-d'oeuvre clandestine».

Il a également assuré qu'il «maintiendrait» la loi sur l'interdiction du port du voile islamique intégral, votée il y a un an et sur laquelle la gauche s'était abstenue.

Depuis plusieurs jours, François Hollande est diabolisé comme le candidat de l'immigration et du «communautarisme» par Nicolas Sarkozy, arrivé derrière le socialiste au premier tour (27,18 % contre 28,63 %) et qui doit attirer les électeurs de Marine Le Pen (Front national, extrême droite, 17,90 %) pour espérer l'emporter.

M. Sarkozy avait affirmé jeudi --à tort-- que François Hollande avait reçu le soutien de 700 mosquées et de l'intellectuel musulman controversé Tariq Ramadan, ou encore qu'il prévoyait de régulariser tous les étrangers en situation irrégulière. Et il agite chaque jour comme un chiffon rouge la promesse de M. Hollande d'accorder le droit de vote aux élections locales aux étrangers résidant légalement en France depuis cinq ans.

Le président-candidat a repris à son compte des propositions de Mme Le Pen en se déclarant favorable à la «présomption de légitime défense» pour les policiers, après un fait divers dans la banlieue parisienne où un policier a été inculpé d'homicide volontaire pour avoir tué un délinquant en fuite.

«Le candidat-président est en train d'essayer de faire les poches, pour des raisons électoralistes, de mon programme», a ironisé Marine Le Pen qui n'a pas l'intention d'appeler à voter pour l'un des deux candidats du second tour.

Lors d'une réunion à Limoge (centre) aux accents résolument à gauche, François Hollande a fustigé la «transgression» du chef de l'État qu'il accuse de «piocher dans le programme de l'extrême droite».

La droite est restée jusqu'à présent relativement soudée derrière la stratégie de Nicolas Sarkozy. Mais des critiques commencent à se faire entendre dans la majorité, à l'instar de l'ancien Premier ministre Dominique de Villepin qui s'est dit «effrayé» par la campagne de son ex-rival et par ses «gages à l'extrémisme».

«Ce n'est pas comme cela qu'on ramènera les électeurs frontistes (de Marine Le Pen) et cela peut dégoûter les électeurs centristes», a déploré pour sa part le député Étienne Pinte, estimant que le chef de l'État «se trompe» en reprenant les thématiques chères au Front national (FN).

Le sénateur Jean-René Lecerf regrette une «course à l'échalote avec le FN». «Les valeurs du FN ne sont pas les nôtres. Et toute démarche à l'égard du FN me paraît inutile», estime-t-il.

En réponse à ces critiques, Nicolas Sarkozy a dénoncé un «procès stalinien».

«Depuis lundi, c'est un déchaînement, j'aurais durci et +extrémisé+ mes propos. On me fait un procès d'intention, un procès stalinien, comme à la belle époque», a-t-il lancé.

Pour l'instant, cette posture droitière du président-candidat ne semble guère productive, si l'on en croit les derniers sondages qui montrent une grande stabilité depuis le lendemain du premier tour, M. Sarkozy étant toujours donné nettement battu avec 45 à 46 % des intentions de vote.

Bref moment consensuel, les deux candidats se sont retrouvés dans leur passion commune du sport: Nicolas Sarkozy aurait rêvé de gagner le Tour de France cycliste et François Hollande d'«être l'avant-centre du Football club de Rouen», sa ville natale.

La politique n'était pas loin puisque le chef de l'État a envisagé sa défaite en rappelant que «la règle» est de se faire prendre sa «place» à un moment ou à un autre.

M. Hollande a salué ce parallèle, considérant que c'est un «bon principe que de reconnaître qu'une course peut être gagnée une fois, pas forcément une deuxième fois».