Le candidat centriste François Bayrou, qui avait causé la surprise lors de l'élection présidentielle de 2007, sera-t-il l'homme par qui se décidera finalement le scrutin de 2012?

La question figure haut dans les préoccupations des deux favoris, Nicolas Sarkozy et François Hollande, qui rivalisent, à mots couverts, pour séduire le politicien béarnais et ses partisans.

Bien que le chef du Mouvement démocrate ne récolte que 10% des voix dans les plus récents sondages, soit bien moins que les 18% atteints il y a cinq ans, il pèsera lourd entre les deux tours, particulièrement pour le président sortant.

Selon Jérôme Fourquet, analyste de la firme Ifop, Nicolas Sarkozy doit absolument s'assurer le soutien de la majorité des partisans centristes s'il veut espérer damer le pion à son adversaire socialiste.

Le constat repose sur le fait que les intentions de vote à gauche au premier tour, tous partis réunis, s'annoncent sensiblement plus élevées que les votes de droite et que le report des voix au second tour est largement favorable pour l'heure à M. Hollande.

Le leader socialiste peut notamment compter sur le fait que plus de 80% des partisans du candidat d'extrême gauche Jean-Luc Mélenchon entendent voter pour lui au stade ultime. À l'autre extrémité du spectre, seuls 45% des électeurs de Marine Le Pen disent vouloir reporter leur vote sur le représentant de la droite traditionnelle.

Léger avantage Hollande

Pour l'heure, les électeurs centristes se répartissent presque à égalité au second tour entre Nicolas Sarkozy et François Hollande, qui bénéficie là encore d'un léger avantage.

La situation n'est pas étrangère aux appels du pied lancés au cours de la dernière semaine par certains ténors de la droite, dont Alain Juppé, qui dit voir en François Bayrou un possible premier ministre.

Le président a pour sa part souligné, sur les ondes de France 2 la semaine dernière, qu'il était favorable à la création d'un gouvernement «d'union nationale», thème cher au politicien centriste.

François Hollande fait aussi des ouvertures discrètes à son attention, par exemple en se prononçant en faveur de l'adoption d'une série de réformes devant favoriser la «moralisation» de la classe politique française.

Discrétion

Le principal intéressé a promis avant la campagne de se prononcer au second tour entre les deux candidats restants s'il en est exclu, mais il s'est fait discret à ce sujet depuis, et a multiplié les critiques.

François Bayrou a notamment fustigé le programme économique de François Hollande, en le décrivant comme un «socialisme de la dépense» incompatible avec la situation financière du pays. Il insiste par ailleurs sur le fait que le futur premier ministre devra être «profondément en phase» avec le président, ce qui n'est pas le cas, dit-il, avec Nicolas Sarkozy.

En 2007, le politicien avait refusé de se positionner clairement entre les deux tours. Selon M. Fourquet, l'idée que le candidat centriste refuse depuis cinq ans de se rallier à l'un ou l'autre des grands partis est saluée par la population française.

Peu rassembleur?

Son refus donne du même coup l'impression qu'il est isolé et donc peu susceptible de «rassembler», ce qui explique en partie pourquoi sa popularité peine à se traduire en intentions de vote, relève l'analyste.

L'effet d'usure, depuis 2007, a aussi contribué à sa baisse dans les sondages, tout comme le manque d'espace idéologique au centre découlant du fait que François Hollande se positionne comme un représentant de la «gauche raisonnable».

Aujourd'hui, la situation du politicien centriste est «très compliquée» puisqu'il doit naviguer entre un président qu'il a désavoué et un parti dont il ne cautionne pas le programme, conclut le représentant d'Ifop.

«Il y a des coups à prendre pour lui de chaque côté», dit M. Fourquet.