Des dizaines de milliers de personnes venues d'un peu partout au pays ont convergé hier après-midi à la place de la Bastille, au coeur de Paris, en réponse à l'appel du candidat du Front de gauche, Jean-Luc Mélenchon.

Le politicien de 60 ans, qui représente une coalition de partis d'extrême gauche à l'élection présidentielle française, souhaitait réussir une démonstration de force en réunissant ses partisans en grand nombre dans ce lieu historique.

«Nous allons faire de cette élection une insurrection civique», a-t-il lancé à la foule enthousiaste après avoir salué le retour à la Bastille du «peuple des rébellions et des révolutions».

Plusieurs centaines de personnes s'étaient perchées pour l'entendre sur la colonne commémorative située au centre de la place.

Le représentant du Front de gauche, qui a parlé une demi-heure sur un ton solennel, a dit espérer que le scrutin présidentiel changerait profondément «la vie du peuple» et bousculerait l'ordre politique et économique de la France et de l'Europe.

Après avoir salué les peuples grecs, italiens, portugais qui subissent «l'oppression» de «la Troïka» - un terme désignant la Commission européenne, la Banque centrale européenne et le Fonds monétaire international -, il a appelé ses partisans à ouvrir par leur vote «la brèche» par laquelle la gauche pourrait revenir en force sur le continent.

M. Mélenchon, un ex-ministre qui a longtemps milité au sein de l'aile gauche du Parti socialiste avant de claquer la porte du parti pour créer sa propre formation, en 2008, a fait de la lutte contre les mesures d'austérité imposées en France et ailleurs l'un des principaux axes de sa campagne.



Montée en force

«Quand le gouvernement viole le droit du peuple (...) l'insurrection est le plus sacré des devoirs», a-t-il lancé hier à la foule, qui a accueilli plusieurs passages de son discours en criant «résistance, résistance».

Le candidat du Front de gauche, qui a siégé pendant près de 20 ans comme sénateur avant de devenir député européen, connaît depuis quelques semaines une progression marquée dans les sondages.

Bien qu'il se situe loin derrière les deux principaux candidats, avec 11% des voix, sa montée en force inquiète le camp socialiste, qui craint de voir le score de son représentant sensiblement réduit au premier tour par un transfert de votes vers l'extrême gauche.

À tel point que le candidat socialiste François Hollande a jugé utile au cours des derniers jours d'appeler les partisans à voter «utile» au premier tour de manière à lui permettre de faire bonne figure face au président sortant, Nicolas Sarkozy. Les derniers sondages mettent les deux principaux candidats à égalité au premier tour, mais le socialiste conserve un avantage marqué au second tour.

Les participants au rassemblement tenu à Bastille semblaient faire peu de cas hier de l'appel du politicien socialiste.



Photo: Benoît Tessier, Reuters

Les partisans de Mélenchon réunis hier à la Bastille.

«Il se met au niveau des gens»

«Chaque fois, c'est le même discours. Mais le vote utile pour qui? Qu'est-ce que ça veut dire?», a déclaré Frédéric Cornu, 34 ans, qui manifestait avec son fils de 4 ans perché sur les épaules.

Il estime que Jean-Luc Mélenchon est le seul candidat à livrer autre chose qu'un discours «formaté». «C'est un être humain [...] Il se met au niveau des gens», a souligné l'informaticien, qui se dit particulièrement préoccupé par la détérioration des services publics.

«C'est quelque chose que je vois qui est en train de disparaître. On est en train de marchandiser tout ça», souligne

M. Cornu, qui aime bien le côté «gueulard» du candidat du Front de gauche.

Même son de cloche de François Vergnette, enseignant de 46 ans qui apprécie le fait que le candidat du Front de gauche «parle avec ses tripes».

Cet ancien partisan de Nicolas Sarkozy, qui dit avoir «ouvert les yeux» en raison de la crise de 2008, apprécie les positions économiques de Jean-Luc Mélenchon. «C'est le seul qui va parler à la finance», dit-il.

L'homme de 46 ans entend, comme la majorité des partisans du Front de gauche, voter pour le candidat socialiste au second tour. Mais ce sera sans enthousiasme puisque les choses, dit-il, «ne vont pas beaucoup changer» s'il gouverne.

Dominic Abraham, lui, ne votera pas au second tour. «Hollande, c'est un mec de droite déguisé», souligne le militant de 63 ans, qui presse l'extrême gauche de continuer à jouer son rôle de «chien de garde».

«C'est important qu'il y ait une vraie gauche en France», dit-il.