Art oratoire consommé, formules efficaces, discours anti-UE parfois taxé de populiste, le candidat Jean-Luc Mélenchon a réussi à créer un espace politique entre les socialistes et l'extrême gauche, atteignant désormais 10% d'intentions de vote à la présidentielle française.                

Dans ses réunions de campagne qui attirent à chaque fois des milliers de personnes, cet ancien socialiste, qui a fait alliance avec le parti communiste pour «barrer la route au libéralisme», enflamme son auditoire en répartissant ses coups entre Nicolas Sarkozy et la candidate d'extrême droite Marine Le Pen.

Il accuse le président-candidat, qui termine son mandat avec une popularité au plus bas, de reprendre «les vieilles ritournelles libérales qu'il nous a serinées pendant cinq ans», et dénonce «l'extrême droitisation» de son discours sur les thèmes de l'immigration et de l'islam.

Après le refus de Mme Le Pen de l'affronter dans un débat télévisé, il s'est targué mardi soir de «faire baisser les yeux à l'extrême droite», à laquelle il veut disputer les votes des ouvriers et lui imposer «une raclée» au premier tour, le 22 avril.

«Elle veut nous faire croire qu'on attrape l'islam par le manger!», a-t-il lancé pour ridiculiser la campagne de Marine Le Pen contre la viande halal.

Les discours parfois véhéments de M. Mélenchon tranchent avec le ton mesuré du socialiste François Hollande, qu'il accuse de manquer de détermination face aux «saccages du capitalisme». «Il faut taper, taper et taper encore sur la finance. Il n'y a que comme ça qu'on la fait reculer», martèle-t-il.

Alors que M. Hollande a prévu en cas de victoire de «renégocier» le traité instaurant plus de discipline budgétaire en Europe, lui réclame un référendum contre ce texte «qui instaure l'austérité à perpétuité».

Mais son désistement au second tour en faveur de François Hollande ne fait quasiment aucun doute.

«Il ne faut pas se tromper de saison. Nous sommes dans la bataille pour battre politiquement la droite et l'extrême droite. Si nous le faisons en France, même pour élire un modéré, nous donnons un signal à toute l'Europe qu'il est possible de se débarrasser des libéraux», a-t-il expliqué dimanche lors d'une émission politique. «Notre tour viendra ensuite».

Souvent taxé de populisme, Jean-Luc Mélenchon, 60 ans, a été ministre de l'Enseignement professionnel et siège aujourd'hui au Parlement européen, où il s'ennuie.

Il a commencé en politique dans un petit parti trotskyste avant de rejoindre le parti socialiste, dont il a claqué la porte en 2008, dénonçant un glissement vers le «centre-gauche». Il a fondé un nouveau mouvement, le Parti de gauche, et a constitué en vue des élections présidentielle et législatives un «Front de gauche» avec le Parti communiste français (PCF), devenu l'ombre de lui-même au fil des rendez-vous électoraux.

Malgré une moindre visibilité médiatique que les deux principaux candidats -ce qu'il ne se prive pas de dénoncer- l'intérêt pour sa campagne grandit et un sondage l'a crédité pour la première fois mardi de 10% d'intentions de vote, soit plus que ne rassemblaient en 2007 l'ensemble des candidats d'extrême gauche.

Avec sa dénonciation des «élites» et son style «belliqueux», «il est en phase avec la mauvaise humeur d'une partie de l'électorat», estimait le mois dernier le politologue Pascal Perrineau.

La progression de M. Mélenchon est cependant limitée par une forte aspiration à l'alternance dans l'électorat et une crainte d'un éparpillement des voix de gauche, qui profite pour l'instant à François Hollande.

Tous gardent en mémoire le scrutin calamiteux de 2002, quand Jean-Marie Le Pen, le père de Marine, à laquelle il a passé le relais du Front National (FN), avait devancé au premier tour le socialiste Lionel Jospin et s'était qualifié pour le second tour.