Le président français Nicolas Sarkozy, qui a été largement critiqué au fil des ans en raison de son intérêt pour l'argent et de ses liens avec de riches industriels, peut-il faire campagne en se présentant comme «l'homme du peuple»?

Bien que ses opposants politiques fassent leurs choux gras de l'idée, le principal intéressé semble convaincu de la crédibilité de ce titre et le répète sans sourciller depuis son entrée en campagne, la semaine dernière.

Tant en déplacement à Annecy au lendemain de l'annonce de sa candidature qu'à Marseille lors de son premier rassemblement d'envergure, le champion de la droite traditionnelle s'est présenté comme le défenseur du peuple devant les «élites».

Il a fustigé «ceux qui crient au populisme parce qu'ils trouvent que le peuple n'est pas assez intelligent», pour défendre sa promesse de tenir des référendums sur des thèmes comme l'assurance chômage et le droit de vote des étrangers.

Même la femme du président, Carla Bruni, ex-mannequin issue de la haute bourgeoisie italienne, semble désormais vouloir faire passer le message qu'elle est une femme ordinaire.

Alors qu'elle se félicitait il y a peu d'initier son mari aux grands classiques littéraires, la première dame française a multiplié les entrevues en faisant valoir au passage son intérêt pour un populaire feuilleton et une émission de téléréalité mettant en vedette des agriculteurs qui cherchent l'âme soeur.

Dans la presse de gauche, les prétentions populaires du couple présidentiel ont fait l'objet de tirs nourris, hier.

Nicolas Demorand a noté en éditorial dans le quotidien Libération que le président aura du mal à faire croire qu'il est du peuple et non de l'élite économique, «l'oligarchique, pour laquelle le quinquennat fut si doux, si agréable». L'épisode du Fouquet's, un hôtel chic où le président a célébré sa victoire de 2007, ses vacances sur le yacht d'un riche industriel ou encore la baisse récente de l'impôt de la fortune ne seront pas facilement effacés, dit-il.

La classe politique a aussi multiplié les critiques. Le Parti socialiste, par l'entremise d'Arnaud Montebourg, a notamment fait valoir que le chef d'État était «le candidat de l'argent, par l'argent, pour l'argent».

La chef du Front national, Marine Le Pen, a prévenu qu'il ne suffirait pas de quelques discours pour «effacer cinq ans de rupture avec le peuple». Selon elle, le politicien semble croire que «plus c'est gros, plus ça passe».

L'électorat de la formation d'extrême droite est directement ciblé par le candidat de la droite traditionnelle, qui cherche à élargir sa base en vue du premier tour comme il l'avait fait en 2007.

Le politologue Jean-Yves Camus, spécialiste de l'extrême droite, pense qu'il sera très difficile pour Nicolas Sarkozy de reprendre avec succès la même stratégie. «La première fois, il était candidat. Là, il est un président sortant avec un bilan. Ce n'est pas du tout la même chose», juge le spécialiste.

Il était «difficile» en entendant Nicolas Sarkozy à Marseille de ne pas penser «que c'était les élites qui parlaient au peuple plutôt que le peuple parlant au peuple», dit M. Camus.

Le Pen plus radicale

Selon lui, la véritable menace pour la campagne du Front national vient d'abord et avant tout de la bipolarisation en cours entre le président et le candidat socialiste, François Hollande, toujours largement favori au second tour.

Dans un nouveau sondage, la firme LH2 a relevé en fin de semaine que la candidate d'extrême droite Marine Le Pen se trouve aujourd'hui 12 points derrière Nicolas Sarkozy au premier tour et «ne semble plus en mesure d'accéder au second tour».

Le plafonnement observé dans sa campagne n'est pas étranger à la dernière saillie de la politicienne, qui a affirmé que toute la viande consommée en Île-de-France était «halal» et donc produite selon le rite musulman.

Au dire de M. Camus, elle a voulu exploiter de manière «encore plus caricaturale» le thème de l'immigration pour attirer l'attention des médias, tournés vers le rassemblement de Nicolas Sarkozy. «Je doute que la question de la viande halal soit la préoccupation première des classes populaires qu'elle courtise», note-t-il.