Le parti au pouvoir en Haïti a reconnu mardi qu'il pourrait avoir perdu les élections présidentielle et législatives, deux candidats à la succession du président René Préval ayant donné la veille l'impression de croire en leurs chances de l'emporter.

«Nous sommes des démocrates convaincus, Inité est prêt à accepter l'alternance démocratique», a déclaré le sénateur Joseph Lambert, coordonnateur du parti présidentiel Inité («Unité» en créole).

«Si on rate les élections au niveau présidentiel, on passe à l'opposition ou bien on peut cohabiter avec le groupe qui aurait gagné les élections», a-t-il ajouté devant la presse.

Les élections ont donné lieu à des incidents qui ont fait plusieurs morts, tandis qu'une majorité des 18 candidats à la présidentielle ont exigé dimanche l'annulation du scrutin, se disant victimes de fraudes au profit du candidat d'Inité, Jude Célestin, considéré comme très proche de René Préval.

Deux des favoris de la rue et des sondages, Mirlande Manigat et le chanteur Michel Martelly, qui avaient dans un premier temps exigé également l'annulation du scrutin, ont indiqué lundi qu'ils se ralliaient au processus électoral, confiants dans leurs chances de se retrouver au second tour le 16 janvier.

«Je suis toujours dans la course, j'ai de bonnes chances de gagner les élections», avait déclaré lundi Mme Manigat, la championne des sondages.

«Nous commençons à recevoir des procès verbaux qui montrent clairement» que «là où il n'y a pas eu de magouilles c'est le changement qui mène. On s'attend à ce que le changement gagne les élections», avait pour sa part affirmé la star de la chanson Michel Martelly. «Maintenant que je sais que je mène...», avait-il lancé.

En raison de ce revirement rapide le chanteur populaire dont le sobriquet est «sweet Martelly» depuis des années est maintenant surnommé «switch Martelly» par les Haïtiens dans la rue.

Le Conseil électoral haïtien a promis de publier les résultats des scrutins d'ici le 5 décembre et se préparait entre-temps à dresser un bilan des incidents enregistrés dans le pays, qui ont conduit à l'annulation du vote dans 3,5% des centres de vote.

Mardi le conseiller technique du Conseil électoral pour les opérations de comptages, Alain Gauthier, a indiqué que 45% des procès-verbaux dressés dans toute le pays avaient été reçus. Et le CEP, qui continuait à recevoir mardi ces PV scellés dans une enveloppe transparente, espère les avoir reçus dans leur quasi-totalité mercredi à la mi-journée.

Interrogé sur les résultats, favorables à l'opposition, qui commencent à circuler sous le manteau dans Port-au-Prince, M. Gauthier a précisé que le centre de traitement ne communiquait aucun résultat. Il peut néanmoins y avoir des «comptages» parallèles plus ou moins précis, compte-tenu de l'existence de six exemplaires de chaque PV, dont deux sont envoyés aux candidats, a-t-il dit.

«On attend la publication des résultats pour recourir éventuellement aux instances électorales si nous avons des contestations», a déclaré M. Lambert, du parti Inité.

Jugeant que les élections se sont «globalement bien déroulées», le sénateur a regretté des manquements et des faiblesses lors de la journée de vote, qui ont alourdi la machine et provoqué la colère de certains électeurs impatients.

M. Lambert a accusé les candidats qui réclament l'annulation des élections de tenter «d'organiser un coup d'Etat électoral».

Le chef de la mission d'observateurs conjointe de l'Organisation des Etats américains (OEA) et des pays du Marché commun de la Caraïbe (Caricom), Colin Granderson, a jugé lundi que les élections étaient valides, malgré les «irrégularités».