La victoire attendue des républicains aux élections de mi-mandat aux États-Unis devrait réduire les velléités protectionnistes du Congrès américain.

Il est donc peu probable que le gouvernement Harper ait à mener une autre bataille à court terme pour contrer les mesures protectionnistes comme la clause Buy American, que l'administration Obama avait incluse dans son plan de relance de l'économie, en 2009.

«Il est évident qu'il va y avoir un réalignement important des forces politiques au Congrès américain. J'espère que les nouveaux membres du Congrès seront moins protectionnistes que ceux qu'ils remplaceront, qu'ils seront plus ouverts au commerce et moins portés à ajouter des barrières», a affirmé le président de la Chambre de commerce du Canada, Perrin Beatty, ancien ministre dans le gouvernement de Brian Mulroney.

La reprise tarde

Mais au-delà de la composition du Sénat et de la Chambre des représentants, c'est l'état de santé de l'économie américaine qui inquiète le plus les membres influents du gouvernement Harper.

La récession est officiellement terminée aux États-Unis depuis quelques mois, mais ses effets continuent de se faire sentir. Le taux de chômage oscille à 9,6%, les faillites personnelles se multiplient et le marché immobilier dégringole encore.

Les États-Unis demeurent le principal partenaire commercial du Canada, qui y envoie encore aujourd'hui près de 80% de ses exportations.

«Il y a toujours des menaces protectionnistes durant les élections. En général, cela s'estompe graduellement après le vote. Mais je suis beaucoup plus inquiet de la situation économique du pays que de ses mesures protectionnistes. Le fait qu'il n'y ait pas de création d'emplois là-bas a un effet beaucoup plus direct sur notre économie que des mesures protectionnistes», a affirmé à La Presse un ministre conservateur sous le couvert de l'anonymat.

Les démocrates, historiquement, sont plus enclins à adopter des mesures protectionnistes afin de satisfaire leur base, en particulier les syndicats. Mais une autre source conservatrice relève toutefois qu'il existe cette année un courant protectionniste assez fort chez les républicains, notamment à cause de la montée du Tea Party et des tensions entre les États-Unis et la Chine. Plusieurs électeurs américains estiment que la Chine est en partie responsable de la lenteur de la reprise de leur économie.

Le député libéral Scott Brison est aussi d'avis que le sentiment protectionniste risque d'être encore assez important même si les républicains obtiennent la majorité à la Chambre des représentants ou au Sénat, voire aux deux.

«Parmi les Américains âgés de 25 à 55 ans, 20% sont encore sans travail, et l'économie stagne. Les pressions protectionnistes vont demeurer fortes, peu importe le résultat des élections de mi-mandat», croit M. Brison.

Pour le premier ministre Stephen Harper, les élections de mi-mandat ne changeront rien. M. Harper entretient «d'excellentes relations» avec son homologue américain, a-t-on indiqué, et cela se poursuivra, quels que soient les résultats.

«Que des démocrates ou des républicains soient au pouvoir, le premier ministre a toujours affirmé qu'il est important d'avoir d'excellentes relations avec nos voisins et amis américains», a affirmé un proche collaborateur. Il a rappelé que M. Harper a réglé le dossier de la clause Buy American avec Barack Obama et qu'il a mis un terme au conflit portant sur le bois d'oeuvre avec George W. Bush.

Libre-échange

Mais compte tenu des difficultés économiques que vivent les États-Unis, le gouvernement Harper estime que le Canada a tout intérêt à diversifier davantage ses relations commerciales afin de réduire sa dépendance envers ce partenaire.

C'est pourquoi il multiplie les ententes de libre-échange avec d'autres pays depuis son arrivée au pouvoir. Il négocie actuellement un accord de libre-échange avec l'Union européenne et explore la possibilité d'en conclure un avec l'Inde.

John Manley, ancien ministre des Affaires étrangères dans le gouvernement de Jean Chrétien et aujourd'hui président du Conseil canadien des chefs d'entreprise, souligne que le Congrès américain est aux prises avec une série de problèmes intérieurs qui font que les relations canado-américaines tombent essentiellement dans l'oubli.

«Nous avons déjà de la difficulté à obtenir l'attention des autorités américaines afin de traiter des dossiers communs qui sont importants pour le Canada. Ça risque d'être encore plus difficile encore. Les dossiers intérieurs dominent complètement la politique américaine», a dit M. Manley à La Presse.

Il souhaite que le président Obama défende avec plus de vigueur les vertus du libre-échange. Il fait remarquer que c'est un président démocrate - Bill Clinton - qui a persuadé le Congrès d'adopter l'Accord de libre-échange nord-américain, dans les années 90.

Pour sa part, le chef du NPD, Jack Layton, souhaite que les démocrates fassent mentir les sondages et conservent la majorité au Congrès. Il estime que les démocrates ont permis de faire avancer la lutte contre les changements climatiques.