Les milieux financiers américains favorisent largement les républicains depuis le début de l'année par leurs dons, sanctionnant des démocrates qui ont musclé l'encadrement de leur secteur, à l'approche des élections législatives de mi-mandat.

Selon une étude publiée début septembre par le Center for Responsive Politics (CRP), qui analyse l'utilisation de l'argent par les partis politiques, les secteurs de la finance, de l'assurance et de l'immobilier avaient alors versé au parti républicain et à ses candidats près de 34 millions de dollars depuis le début de l'année, contre 23 millions aux démocrates.

Le parti de l'opposition a donc concentré environ 60% des dons de Wall Street, contre moins de 44% l'an dernier.

Exemple de ce retournement de tendance: la puissante banque d'affaires Goldman Sachs, symbole des excès de la finance et dont l'influence sur le sérail politique est souvent dénoncée. Elle avait orienté 75% de ses contributions vers les démocrates dans les deux ans qui avaient précédé l'élection de Barack Obama. Depuis début 2009, 55% sont partis à l'opposition.

«Les contributions de Wall Street ont subi un retournement spectaculaire au profit des républicains depuis le début de l'année, et ce n'est pas un hasard si la réforme de la régulation financière s'accélérait au même moment», explique Dave Levinthal, du CRP.

En présentant en janvier les mesures phares de cette refonte des règles encadrant Wall Street, Barack Obama s'était dit prêt à se «battre» contre les banques. La réforme a été finalement adoptée pendant l'été.

Les rois de la finance n'apprécient pas non plus la volonté du président Obama de mettre fin aux allégements fiscaux pour les plus riches, adoptés sous la présidence de George W. Bush.

Dans un récent débat avec des Américains, organisé par la télévision, le locataire de la Maison Blanche a été interpellé par un patron de fonds d'investissement, Anthony Scaramucci: «Quand allez-vous cesser de vous servir de Wall Street comme d'un punching ball?»

Le président lui a opposé une réponse cinglante, opposant les bonus faramineux des courtiers à la situation difficile que vivent de nombreux Américains.

Très prosaïquement, les financiers cherchent à «dépenser leur argent pour soutenir les vainqueurs des élections», observe Robert Shapiro, professeur de sciences politiques à l'université de Columbia. «Il y un vieux dicton politique à Chicago: "ne pas faire de vagues, ne pas soutenir les perdants", je pense que c'est vraiment le cas».

Les deux candidats qui ont concentré le plus de dons sont d'ailleurs deux démocrates, les deux sénateurs de l'État de New York, capitale de la finance: Charles Schumer, élu depuis 12 ans, qui a reçu près de cinq millions de dollars depuis début 2009, et Kirsten Gillibrand, qui a remplacé Hillary Clinton en 2009.

«Il faut donner à ceux qui seront au pouvoir, de sorte qu'ils répondent au téléphone» quand on les sollicitera, confirme Sean West, analyste politique à la firme de conseils Eurasia Group.

«Wall Street a certainement l'impression que les démocrates se sont attaqués au secteur financier», ajoute-t-il. «Mais en réalité, Obama avait l'occasion de nationaliser les grandes institutions et a choisi de ne pas le faire. Le Trésor a mis en place un ensemble modéré de réformes financières, et beaucoup de groupes d'intérêt représentant la finance ont obtenu le meilleur accord possible dans le processus législatif vu les circonstances».