Pour la première fois, un ambassadeur du pape, le Polonais Jozef Wesolowski, a été contraint à revenir à l'état laïc après des accusations d'actes pédophiles perpétrés en République dominicaine, et devrait comparaître devant un tribunal du Vatican.

«L'accusé a deux mois pour déposer un recours», a indiqué le Vatican, dans un communiqué annonçant vendredi la sanction contre le prélat. «La procédure pénale auprès des organes judiciaires du Vatican se poursuivra dès que la sentence canonique sera définitive», a ajouté le Vatican.

L'ex-ambassadeur en République dominicaine, l'archevêque polonais Jozef Wesolowski, nonce dans ce pays depuis janvier 2008, avait été rappelé en août dernier à Rome. Il a été sanctionné cette semaine à l'issue d'un procès canonique de la Congrégation vaticane pour la doctrine de la foi (CDF), seule compétente dans l'Église pour ces crimes exceptionnellement graves.

Wesolowski, 65 ans, avait été dénoncé par les médias dominicains pour avoir eu des relations tarifées avec des mineurs dans la «Zona colonial», le centre historique de Saint-Domingue.

Selon l'agence d'informations religieuses I-media, si par le passé des évêques ont démissionné dans des cas similaires, «il semble que la démission d'un "ambassadeur du pape" soit une première pour ce type d'accusations».

Jusqu'à présent, Mgr Wesolowski avait «bénéficié d'une relative liberté de mouvement dans l'attente que la CDF puisse vérifier le bien-fondé des accusations», selon le communiqué.

Depuis son rappel à Rome, beaucoup, y compris au sein de l'Église, s'impatientaient, se demandant pourquoi l'ancien nonce n'était pas sanctionné ou emprisonné. Arguant qu'il était citoyen du Vatican, le Saint-Siège avait refusé en janvier de l'extrader vers la Pologne.

Test de la volonté de François

Le cas Weselowski devenait un test de la réelle volonté du pape François d'agir contre les scandales pédophiles, malgré ses fermes condamnations verbales.

«Compte tenu du verdict (canonique) qui vient d'être prononcé, toutes les mesures adaptées à la gravité du cas seront désormais adoptées», a conclu le communiqué, laissant entendre que l'ex-nonce fera l'objet d'arrêts domiciliaires. Il devrait «résider à un endroit précis, limité, sans liberté de mouvement».

Un procès au pénal pour de tels crimes est rendu possible par une réforme du Code pénal du Saint-Siège, adoptée l'été dernier par le pape François.

Cette réforme prévoit entre autres que tous les religieux, citoyens du Vatican et travaillant pour lui à Rome et à l'étranger, et quel que soit leur rang, sont passibles de la justice du Vatican.

À part de petits délits (vols à la tire, etc.), le seul procès retentissant qui a eu lieu récemment dans le tribunal du petit État est celui de l'ancien majordome de Benoît XVI, Paolo Gabriele, condamné à 18 mois de prison fin 2012 pour avoir livré à la presse italienne des documents confidentiels du pape. Il avait été ensuite gracié.

Le Vatican et l'Église ont été décrédibilisés par le scandale des prêtres pédophiles. Des dizaines de milliers de cas dans les pays occidentaux, des États-Unis à l'Irlande, remontant souvent aux années 60 et 70, avaient été dévoilés.

L'Église est critiquée pour avoir continué de protéger et de muter des prêtres pédophiles, par peur du scandale, mais sans égard pour les enfants. L'opacité de la procédure de l'enquête canonique secrète, gérée au Vatican par la Congrégation pour la doctrine de la foi, a aussi été dénoncée, l'Église affirmant avoir voulu ainsi protéger la présomption d'innocence et l'anonymat des victimes.

Sous le pontificat de Benoît XVI, l'Église a commencé à mener une politique plus sévère. Devant le Comité de l'ONU contre la torture, en mai, le nonce auprès des Nations unies, Mgr Silvano Tomasi, avait donné des statistiques des sanctions adoptées contre des prêtres, religieux et évêques.

Il avait précisé que 3420 cas basés sur des «accusations crédibles» avaient été examinés ces dix dernières années, portant sur des actes datant des années 50 et 80. À la suite de quoi 848 prêtres ont été défroqués et 2572 autres ont été sommés de mener «une vie de prières et de repentance».

Le Comité de l'ONU avait demandé une «enquête rapide et impartiale» sur Josef Wesolowski.