La sanction prise discrètement en août par le pape contre le nonce (ambassadeur) en République dominicaine pour allégations de pédophilie, confirmée par le Vatican, a suscité jeudi les critiques du réseau américain d'anciennes victimes SNAP.

Dans un communiqué parvenu à l'AFP, Barbara Dorris, directrice du «réseau de survivants de personnes victimes d'abus commis par des prêtres» (SNAP), affirme que «comme tous les prédécesseurs, le pape François agit de manière tardive et secrète».

«Les responsables catholiques agissent seulement quand ils sont obligés de le faire sous la pression médiatique. Quand ils le font, ils le font secrètement, sans révéler les allégations, la mesure de suspension et ses raisons», a ajouté Mme Dorris, récusant qu'une nouvelle «transparence» soit apparue dans l'action de l'Église.

Le 21 août, le nonce, le Polonais Jozef Wesolowski, a été relevé de ses fonctions à l'âge de 65 ans, sans que le Saint-Siège n'annonce cette démission.

Mais mercredi, le porte-parole du Vatican, le père Federico Lombardi, avait indiqué à l'agence d'informations I.Media qu'une enquête était en cours à Rome sur des accusations de pédophilie contre Mgr Wesolowski.

Il semble que cette démission d'un ambassadeur du pape soit une première pour ce type d'accusation.

Selon la presse dominicaine, le diplomate aurait eu des relations sexuelles tarifées avec des mineurs dans la «Zona colonial», le centre historique de Saint-Domingue.

Une télévision locale a diffusé des images d'un homme présenté comme étant le nonce et se promenant en t-shirt, coiffé d'une casquette. La télévision dominicaine a surtout indiqué que le prélat était en lien étroit avec un autre prêtre polonais ayant récemment quitté le pays après avoir été accusé d'avoir abusé d'enfants dans une paroisse.

Sanctions sévères?

Les autorités catholiques de la République dominicaine ont demandé jeudi à la justice qu'elle enquête et prononce le cas échéant des sanctions sévères contre le nonce.

«Je demande à la justice dominicaine d'agir avec fermeté et clarté, sur la base d'enquêtes très sérieuses, et d'appliquer les sanctions prévues par le Code pénal», a écrit dans un communiqué le cardinal Nicolas de Jesus Lopez Rodriguez, rendu public par la Conférence de l'épiscopat dominicain lors d'une conférence de presse.

Dans son texte intitulé Une réflexion opportune, le cardinal dominicain a reconnu se trouver «face à une situation qui préoccupe les fils et les filles de l'église et suscite la honte». Il demande également «pardon aux victimes (...) et à leurs proches».

Le procureur général de la République dominicaine, Francisco Dominguez, a indiqué mercredi qu'une enquête serait ouverte sur ces accusations.

Mgr Wesolowski avait été consacré évêque en janvier 2000. Il avait été nonce en Bolivie, puis dans plusieurs républiques d'Asie centrale. Il avait été nommé par Benoît XVI en République dominicaine en 2008.

Dès le début de son pontificat, François a affirmé son engagement ferme à lutter contre la pédophilie, dans la continuité de l'effort engagé par son prédécesseur Benoît XVI.

Le 5 avril, il avait exhorté la Congrégation pour la doctrine de la foi au Vatican à promouvoir «les mesures de protection des mineurs», aider «ceux qui ont subi ces violences», favoriser «les procédures nécessaires» pour «les coupables».

Le Code pénal du Vatican a été réformé notamment pour que personne ne soit plus exempt au Saint-Siège de poursuites pour différents délits pénaux, dont la pédophilie.

Dans l'avion qui le ramenait de Rio, interrogé sur les scandales sexuels dans l'Église, le pape François avait fait nettement la distinction entre les «délits» que constituent les actes de pédophilie, et ce que l'Église considère comme des péchés sexuels qui ne sont pas des délits.

Depuis le début des années 2000, l'Église est prise dans la tourmente avec la révélation en cascade d'abus sexuels commis dans le passé par des religieux contre des dizaines de milliers de mineurs, notamment aux États-Unis et en Irlande.

PHOTO ERIKA SANTELICES, ARCHIVES AFP

Le 21 août, le nonce, le Polonais Jozef Wesolowski, a été relevé de ses fonctions à l'âge de 65 ans, sans que le Saint-Siège n'annonce cette démission.