L'avalanche de scandales pédophiles impliquant le clergé catholique dans toute l'Europe a encouragé les victimes d'abus à s'exprimer et la tempête menace maintenant l'Italie qui avec 50 000 prêtres compte la plus forte concentration au monde.

«Le nombre de victimes va augmenter de façon exponentielle dans les semaines à venir», prédit à l'AFP Roberto Mirabile, responsable du mouvement anti-pédophilie La Caramella Buona.

À Bolzano, au nord de l'Italie, l'organisation a récemment ouvert une adresse email pour recueillir les témoignages après les révélations dans un journal local en langue allemande d'un homme qui a dit avoir été violé par les moines d'un couvent dans les années 60 quand il était adolescent.

Au début du mois, la Congrégation pour la doctrine de la foi, chargée d'examiner les plaintes en la matière, a demandé au diocèse de Vérone (nord) de rouvrir une enquête sur plus de 60 cas d'abus sexuels dans un institut pour enfants sourd-muets.

«L'Église italienne est inquiète et commence à agir face à ce qui pourrait devenir» un scandale, estime M. Mirabile.

Dans une interview à la mi-mars au journal de l'épiscopat italien Avvenire, Charles Scicluna, chargé au Vatican des enquêtes pour les crimes sexuels, s'était dit préoccupé par la «persistance encore forte d'une culture du silence», tout en estimant que le «phénomène ne semblait pas atteindre des proportions dramatiques» dans la péninsule.

Le 18 mars, l'évêque de Bolzano, Mgr Karl Golser, a demandé «pardon» aux victimes et les a encouragées à contacter le diocèse en soulignant vouloir dissiper «l'impression que l'Église voudrait cacher quelque chose». L'évêché a commencé à recevoir certaines victimes présumées, selon Martin Pezzei, un porte-parole.

Dans le cas de Vérone, le diocèse va interroger les victimes d'abus révélés par l'hebdomadaire L'Espresso en janvier 2009 qui n'avait débouché que sur une enquête interne de l'Église.

Des employés (prêtres et laïcs) de l'institut catholique Antonio Provolo de Vérone sont accusés d'avoir abusé de 67 enfants sourd-muets entre les années 50 et 1984.

Le porte-parole du diocèse Bruno Fasani a confirmé les nouvelles investigations mais a contesté ce chiffre, qu'il a qualifié de «non fiable».

Sous le titre «L'enfer italien», L'Espresso publie vendredi un nouvel article parlant de «40 cas d'abus» commis par des religieux dont un moine en Toscane et une soeur en Lombardie (nord) et estime que «le front s'élargit».

Pour M. Mirabile, la cascade de scandales pédophiles et la récente lettre pastorale du pape aux fidèles de l'église irlandaise secouée par un énorme scandale, vont pousser les victimes à sortir du silence.

«La lettre du Saint-Père a certainement donné un encouragement», a confirmé le père Fortunato di Noto, un prêtre sicilien dont l'association Meter est très active contre la pédophilie et la pornographie infantile.

Depuis la publication en novembre en Irlande d'un rapport ayant révélé des centaines d'abus pédophiles de prêtres couverts pendant des décennies par leur hiérarchie, des dizaines de cas ont été révélés dans l'Allemagne natale de Benoît XVI, en Autriche, aux Pays-Bas et en Suisse.

Mais jusqu'à présent, les médias italiens notamment télévisés avaient accordé peu d'attention à ce phénomène.

Aux yeux de M. Mirabile, cela s'explique par «un attachement et une dévotion» des Italiens à l'égard de l'église catholique «bien plus forts» qu'ailleurs, et au «fait que nous ayons le Vatican à Rome».

Les militants pointent également un doigt accusateur contre le gouvernement italien, qui, «à la différence de ceux d'Irlande et d'Allemagne n'est pas intervenu», selon Marco Lodi Rizzini, porte-parole des victimes de l'institut de Vérone.