La chancelière allemande, Angela Merkel, a réclamé hier «la vérité et la clarté» sur quelque 200 plaintes pour des agressions sexuelles qui seraient survenues dans des écoles et pensionnats catholiques de son pays dans les années 70 et 80.

Pendant ce temps, un prêtre suisse a démissionné après avoir reconnu des agressions sexuelles sur des enfants dans les années 70.

 

De son côté, toujours hier, le primat de l'Église irlandaise, Sean Brady, s'est excusé d'avoir, dans le passé, contribué à étouffer un scandale sexuel en exigeant une promesse de silence de la part de deux présumées victimes. «J'ai honte de n'avoir pas toujours soutenu les valeurs que je défendais et en lesquelles je crois», a-t-il confié, alors que des voix s'élevaient pour réclamer sa démission.

Le pape Benoît XVI s'est quant à lui engagé à écrire aux catholiques irlandais, secoués par les révélations concernant des dizaines de milliers de cas d'agressions de mineurs, pour «favoriser le repentir, la guérison et le renouveau».

Depuis quelques semaines, les scandales impliquant des prêtres pédophiles se multiplient en Europe. En plus de l'Irlande et de l'Allemagne, des cas récents ont été révélés en Suisse, aux Pays-Bas et en Autriche.

Le cas allemand est particulièrement délicat pour le Vatican, car les scandales éclaboussent le pape: à l'époque où il était évêque de Munich, dans les années 80, il a fait héberger un prêtre pédophile dans son diocèse, selon un récent article du Suddeutsche Zeitung.

Parallèlement, les nuages s'accumulent au-dessus du frère de Benoît XVI, Georg Ratzinger, qui a dirigé pendant 30 ans la chorale des petits chanteurs de Ratisbonne, elle aussi montrée du doigt par de présumées victimes d'agressions sexuelles. Georg Ratzinger soutient qu'il n'est pas au courant mais reconnaît que les chanteurs subissaient des punitions corporelles et qu'il a lui-même distribué quelques gifles.

Benoît XVI se fait aussi reprocher d'avoir traité dans le plus grand secret les délits sexuels dont il a forcément eu connaissance durant ses 24 ans à la tête de la Congrégation pour la doctrine de la foi.

Alerte au tsunami

Si la cascade de révélations qui s'abattent sur les catholiques allemands devait toucher davantage Benoît XVI, l'Église connaîtrait un véritable tsunami, avertit Leonard Swidler, théologien à l'université Temple, à Philadelphie, et président de l'Association pour les droits des catholiques au sein de l'Église.

Au début des années 2000, l'Église catholique américaine a été décimée par les scandales sexuels qui lui ont coûté 2 milliards de dollars en indemnisations et lui ont fait perdre des milliers de fidèles.

Ce qui fâche ces derniers, ce ne sont pas tant les cas de pédophilie comme tels que la culture du secret qui entoure ces délits, explique Leonard Swidler. Certains experts, comme le vaticaniste Giancarlo Zizola, croient que la récente série de scandales a amené Benoît XVI à rompre avec cette culture du silence. Mais ce n'est pas l'avis de Tom Doyle, un prêtre américain qui a témoigné aux procès de nombreux prêtres, notamment au Canada.

Selon lui, dans les derniers scandales, l'Église a agi comme par le passé: elle n'a admis les faits que lorsqu'elle n'avait plus le choix. Et elle ne l'a fait qu'avec des mots.

«Ce qu'il faut, c'est que les évêques qui ont protégé des pédophiles soient congédiés», tranche Tom Doyle.

Pour l'instant, le Vatican est loin de cela. La semaine dernière, le journal Osservatore Romano a plutôt défendu l'Église et dénoncé l'acharnement dont elle fait l'objet.

La fin du célibat?

La multiplication des cas de sévices sexuels parmi le clergé catholique a relancé le débat sur le célibat des prêtres. Le théologien suisse Hans Küng, très critique du Vatican, a proposé d'abolir cette exigence pour limiter les cas de pédophilie.

L'archevêque de Vienne, Christoph Schönborn, a suggéré que l'Église s'interroge sur les causes de la pédophilie, y compris sur l'impact du célibat de prêtres. «L'Église doit se demander si elle peut entretenir ce mode de vie et ce qu'elle doit y changer», a avancé pour sa part l'archevêque de Salzbourg. Mais le pape reste sourd à ces appels. «Le célibat est le signe de la consécration tout entière au Seigneur», a-t-il rappelé.

«Il faut se débarrasser du célibat des prêtres», plaide pourtant Leonard Swidler, selon qui, dépourvus de famille sur qui se reposer, privés de toute vie intime, les prêtres catholiques sont extrêmement isolés. «L'Église les tient par les couilles», résume-t-il.