La réforme des lois sur les armes promue par le président Barack Obama a subi mercredi un échec sévère, quatre mois après l'électrochoc du massacre de Newtown, avec le rejet par le Sénat américain d'une mesure activement combattue par le lobby des armes.

Quatre élus du parti démocrate du président ont fait défection et rejoint les républicains pour voter contre un amendement qui aurait imposé des vérifications d'antécédents judiciaires et psychiatriques avant les achats d'armes sur internet et dans les foires spécialisées.

Le rejet du texte --lui-même édulcoré par rapport aux premières versions-- marque une défaite politique pour Barack Obama, qui a investi un capital politique considérable sur ce thème.

Il a immédiatement convoqué la presse pour une longue intervention à la Maison Blanche, ostensiblement en colère.

«C'est un jour de honte pour Washington», a-t-il déclaré, en pointant du doigt une «minorité».

«Au lieu de soutenir ce compromis, le lobby des armes et ses alliés ont volontairement menti à propos de cette loi», a-t-il accusé, en enjoignant les Américains à se mobiliser aux prochaines élections. «Pour moi, c'est seulement le premier round».

Depuis janvier, il a consacré trois déplacements et deux interventions formelles à la Maison Blanche aux armes à feu, souvent aux côtés de parents d'écoliers abattus à bout portant par Adam Lanza, le 14 décembre, dans deux salles de classe de l'école Sandy Hook à Newtown (Connecticut, nord-est). Plusieurs d'entre eux étaient aux côtés du président mercredi.

Feu sur la NRA

Les vérifications d'antécédents sont aujourd'hui requises seulement dans les magasins, sauf dans quelques États qui ont voté des lois plus strictes. Or les armureries ne représentent que 60% des ventes.

Environ 90% des Américains, selon plusieurs sondages, soutiennent la suppression de cette faille légale, mais le puissant lobby des armes, par la voix de la National Rifle Association (NRA), s'est montré intraitable.

La NRA, forte de millions de membres, peut se révéler une redoutable ennemie politique au moment des élections, en finançant des publicités télévisées contre les candidats qui l'auraient froissée en votant pour un affaiblissement perçu du deuxième amendement de la Constitution, qui garantit le droit de détenir une arme pour se défendre. Seuls quatre républicains sur 45 ont osé la défier mercredi.

Le maire de New York, Michael Bloomberg, a dénoncé dans un communiqué virulent la «mainmise» de la NRA sur le système politique et promis de consacrer ses larges ressources financières à faire battre ceux qui ont voté «non» mercredi.

«En 2014, notre coalition de soutiens travaillera pour faire en sorte que les électeurs n'oublient pas», a-t-il menacé.

Un foyer américain sur trois possède au moins une arme.

Les démocrates qui ont voté contre, mercredi, représentent des États ruraux comme l'Arkansas et le Dakota du Nord, où de nombreuses familles adhèrent à la NRA et possèdent des armes pour l'autodéfense, la chasse, le tir sportif ou comme simples collectionneurs.

Le républicain Charles Grassley a accusé mercredi l'administration Obama «de politiser une terrible tragédie pour promouvoir son programme anti-armes» et proposé sa propre mesure qui, de fait, assouplirait certaines réglementations.

Les sénateurs ont aussi largement rejeté (60-40) un texte qui aurait interdit la fabrication, la vente et l'importation de centaines de modèles d'armes semi-automatiques, du type de celle utilisée par Adam Lanza.

D'autres mesures plus modestes ont également échoué. Il n'était pas clair si une quelconque réforme émergerait au final du Sénat. D'autres votes étaient prévus jeudi.

Mais le coeur de la réforme, visant à empêcher délinquants et déséquilibrés de se procurer des armes d'occasion sur les marchés secondaires, a bel et bien été abattu en plein vol.