Si les inondations n'ont mis que quelques jours à dévaster des centaines de villages à travers le Pakistan, il faudra sans doute des années avant de rendre un toit à quelque six millions de sinistrés, en plus des bâtiments officiels, préviennent des experts.

«La tâche est immense. C'est une dévastation à grande échelle, cela prendra beaucoup de temps et d'argent pour tout reconstruire. Les responsables politiques ne réalisent pas la gravité de la situation», explique à l'AFP l'économiste indépendant A.B. Shahid.

Un cinquième du territoire a été affecté par les inondations provoquées par des pluies de mousson d'une ampleur exceptionnelle, mais l'étendue des dégâts reste à déterminer. Elles ont laissé au moins 6 millions de personnes sans abri, selon l'ONU qui a déjà prévenu que ces chiffres allaient augmenter.

Selon M. Shahid, «il faudra au moins trois milliards de dollars pour rebâtir les maisons et cabanes. Et pas moins de sept milliards pour rénover les infrastructures, reconstruire les routes, ponts, canaux et administrations».

«Il ne reste plus rien», résume Qasim Bhayyo, 45 ans, qui a fui son village de Qayyas Bhayyo, dans l'une des zones les plus inondées de la province du Sind (sud), terre de rizières et de fermes piscicoles.

«Ma maison de bois et de terre séchée a été balayée. Nous y avions stocké de la nourriture pour des mois et tout a été détruit. Nous n'avons pu sauver nos chèvres et buffles qui hurlaient, pris au piège des eaux», dit-il.

La Banque asiatique de développement (BAD) s'est engagée à fournir au Pakistan deux milliard de dollars pour réparer les routes, ponts, stations de relais électriques, maisons, écoles, cliniques et fermes, et la Banque mondiale 900 millions.

Les inondations ont également emporté des documents officiels, rendant encore plus difficile l'évaluation des lots d'habitation.

«Les bornes ont disparu, les bâtiments du gouvernement, les rues et les routes ont été ravagés... Cela retardera la reconstruction», note M. Shahid.

Tasneem Siddiqui, consultant en immobilier et ancien chef des projets de logement pour la province du Sind, craint que la paperasserie, l'inefficacité administrative et la corruption ne fassent elles aussi traîner la reconstruction pendant des années.

«Le gouvernement est inefficace et désorganisé. Il ne devrait pas se charger de tout reconstruire et devrait à la place sécuriser les zones inondées, en impliquant les communautés locales», estime M. Siddiqui, en prévoyant un nombre de maisons détruites bien inférieur à ce que beaucoup craignent.

Certains observateurs estiment que le gouvernement devrait d'abord aider les paysans à rebondir avant de verser des primes à la reconstruction des maisons. «Une fois qu'ils seront relancés, les paysans pourront s'entraider pour reconstruire leurs maisons. Même 500 dollars par famille pourrait les aider à rebâtir eux-mêmes leur maison», note M. Siddiqui.

Anwer Rashid, directeur du projet pilote Orangi, qui fournit notamment des services de santé, des logements et du micro-crédit, a annoncé vendredi qu'il prévoyait de construire 5000 maisons à bas prix pour les sinistrés. «Il faut 19 000 roupies (220 dollars) pour construire une maison de fortune», selon lui.

Il en faudra cependant plus pour rassurer Ali Murad, 25 ans, professeur dans le village de Thul, dans le nord du Sind. «Nous n'avons rien pour reconstruire. Cela prendra beaucoup de temps pour rebâtir ce que j'avais avant. Et je ne sais même pas si cela arrivera un jour», dit-il.