Le nouveau gouvernement tunisien de l'islamiste Ali Larayedh a prêté serment mercredi, jour du décès d'un jeune vendeur ambulant qui s'était immolé désespéré par ses conditions de vie, une illustration des tensions sociales auxquelles le cabinet devra faire fac

Ce cabinet, qui a reçu la confiance de l'Assemblée nationale constituante (ANC) à la mi-journée, a ensuite prêté serment à la présidence.

La passation de pouvoir aura lieu jeudi après-midi, soit près d'un mois après la démission le 19 février du premier ministre Hamadi Jebali, emporté par une crise politique exacerbée par l'assassinat de l'opposant Chokri Belaïd.

S'adressant aux ministres de cette coalition regroupant les islamistes d'Ennahda, deux partis laïques et des indépendants, le président Moncef Marzouki a mis l'accent sur le désespoir des jeunes devant la misère et au chômage à l'origine de l'immolation par le feu mardi d'un vendeur ambulant, Adel Khazri.

«Je m'adresse à tous ces jeunes désespérés, à bout de patience et qui ne voient pas une lueur d'espoir à l'horizon», a-t-il dit.

Ce cabinet «n'a pas de baguette magique pour résoudre les problèmes de la pauvreté et du chômage qui se sont accumulés pendant trois décennies (...) mais il a une volonté inébranlable pour affronter ce tsunami de problèmes», a-t-il ajouté.

Ali Larayedh avait lui réagi dans la matinée, quelques heures après l'annonce du décès : «C'est un incident triste, j'espère que nous avons tous compris le message», a déclaré le ministre sortant de l'Intérieur.

Les funérailles d'Adel Khazri auront lieu jeudi à la mi-journée à Souk Jemaa (nord-ouest), a indiqué à l'AFP Issam, le frère du défunt.

Ce décès est hautement symbolique en Tunisie où la révolution avait déjà été déclenchée par l'immolation d'un vendeur ambulant excédé par la misère et les brimades de policiers à Sidi Bouzid (centre).

Une trentaine de vendeurs à la sauvette ont manifesté mercredi sur les marches du théâtre municipal à Tunis, où l'immolation a eu lieu, en scandant «Honte au gouvernement, la jeunesse brûle».

Pauvreté et chômage étaient au coeur des causes du soulèvement de 2011, or deux ans après l'économie est toujours anémique et le pays est paralysé par une interminable crise politique et institutionnelle.

M. Larayedh a assuré mardi qu'il comptait mettre un terme avant la fin de l'année à l'impasse causée par l'absence de consensus sur la future Constitution qui bloque l'organisation d'élections et prive la Tunisie d'institutions stables.

Il s'est ainsi fixé comme priorités d'organiser «des élections dans les plus brefs délais», d'«instaurer la sécurité», le pays étant déstabilisé par l'essor d'un islamisme armé, et de «continuer de relever l'économie, l'emploi et de lutter contre la hausse des prix».

Pour qu'une Constitution soit adoptée, le soutien des deux tiers des députés est nécessaire, or aucun compromis ne s'est dessiné même entre Ennahda et ses alliés.

Un calendrier a été soumis aux députés prévoyant l'adoption de la loi fondamentale début juillet et des élections en octobre. Si les élus ne se sont pas encore prononcés, des observateurs ont jugé l'échéancier peu réaliste, d'autant que les dates limites fixées précédentes n'ont pas été respectées.

La stabilité du pays est aussi menacée par des tensions sociales grandissantes, manifestations, grèves et affrontements se multipliant en rapport au niveau élevé du chômage (17% environ).

L'essor de groupuscules islamistes radicaux, dont l'un est accusé d'avoir tué Chokri Belaïd, est un autre défi pour M. Larayedh.

Or ce dernier est très critiqué pour son bilan mitigé au ministère de l'Intérieur, en raison justement de sa mauvaise gestion supposée de la menace salafiste et de la répression violente de mouvements sociaux.