Le parti islamiste Ennahda, donné favori du scrutin de dimanche en Tunisie, a déclaré mercredi soir qu'il accepterait le résultat d'élections «transparentes» et réaffirmé sa confiance dans le processus, après les vives réactions de partis progressistes.

«Nous accepterons les résultats du vote, du moment que ces élections sont intègres et transparentes. Nous allons féliciter tout le monde et coopérer avec eux (les autres partis) pour l'avenir de la Tunisie», a déclaré à l'AFP Ali Larayedh, membre du bureau exécutif d'Ennadha.

Mercredi matin, le président du mouvement, Rached Ghannouchi avait mis en garde contre un «risque de manipulation des résultats» et dénoncé par anticipation toute tentative de l'écarter du futur gouvernement par un jeu d'alliances.

«Les surprises sont toujours possibles. S'il y a une manipulation, nous rejoindrons les forces et les gardiens de la révolution qui ont fait tomber Ben Ali et les premiers gouvernements (intérimaires)», avait-il dit lors d'une conférence de presse à Tunis.

Deux grands partis du centre gauche, le Parti démocrate progressiste (PDP) et Ettakatol, avaient immédiatement réagi, appelant au respect des règles démocratiques et renouvelant leur confiance dans la commission électorale.

Ali Larayedh a tenté d'atténuer la portée des propos tenus dans la matinée et «mal interprétés» selon lui.

«En cas de fraude - chose que nous ne pensons pas devoir se produire - le peuple tunisien qui a fait la révolution contre la dictature ne permettra pas qu'on lui vole ses rêves et nous serons avec lui pour défendre les objectifs de la révolution», a-t-il dit.

«Au vu de l'existence de garanties (de transparence), nous appelons le peuple tunisien à participer massivement (au vote). Nous, en tant que mouvement, nous nous sommes engagés, par principe, à respecter les règles de la concurrence électorale», a-t-il assuré.

Le fondateur du mouvement islamiste, durement réprimé sous le régime de Ben Ali, avait haussé le ton dans la matinée, pour dénoncer une tentative de coalition «de petites formations» pour faire barrage à son mouvement au sein de la future assemblée, dénonçant un détournement du processus démocratique.

«Ca n'a aucun sens. Il faut accepter la règle de la majorité. La meilleure solution serait de parvenir à un accord par consensus (pour former le prochain gouvernement), mais en tout état de cause, ce sont les règles démocratiques qui doivent s'appliquer», avait réagi à l'AFP Mustapha Ben Jaafar, président d'Ettakatol, renouvellant sa «confiance en l'Isie (commission électorale)».

De son côté, le PDP avait appelé à «ne pas jouer sur les peurs».

Mercredi soir, les Etats-Unis ont souhaité que le pouvoir issu des urnes dimanche soit «représentatif d'un large éventail de la société, ce qui inclut certainement les partis religieux», tout en mettant en garde contre «l'usage de la violence à des fins politiques, qui ne peut être tolérée».

Ennahda avait jusqu'à présent cherché à rassurer: il s'est réclamé du modèle de l'AKP turc, a affirmé qu'il ne voulait pas imposer la charia (loi coranique) et qu'il ne remettrait pas en cause le statut de la femme tunisienne, le plus avancé du monde arabe.

Il a aussi tenté de se démarquer des salafistes, groupe minoritaire mais bruyant, qui a récemment fait descendre dans la rue des milliers de manifestants.

«Nous sommes prêts à diriger un gouvernement d'union nationale si le peuple tunisien nous accorde sa confiance», a répété mercredi Rached Ghannouchi, qui plaide pour l'instauration d'un régime parlementaire.

De son côté, le pôle moderniste peine à se rassembler.

En dépit des convergences de leurs programmes (régime semi-présidentiel avec un parlement fort et défense des libertés), les grandes formations progressistes n'ont encore formalisé aucun accord.

Mustapha Ben Jaafar, qui défend depuis longtemps l'idée d'un gouvernement de coalition pour éviter les écueils d'une «dangereuse division» du pays, a encore démenti dimanche toute alliance avec Ennahda.

Le Pôle démocrate moderniste, qui regroupe cinq formations de gauche, a affirmé mercredi qu'aucun accord n'interviendrait avant le scrutin et que des alliances se feraient «naturellement dans la future constituante à l'exclusion des forces qui ne respectent pas la séparation entre politique et religion et des RCDistes» (du RCD, ancien parti de Ben Ali).