Le procès du président tunisien déchu Zine el Abidine Ben Ali prévu jeudi a de fortes chances d'être reporté en raison d'une grève de trois jours largement suivie par les magistrats, a-t-on appris jeudi de sources concordantes.

«Les trois magistrats chargés de l'affaire sont déterminés à poursuivre le mouvement demain (jeudi) jusqu'à ce que le ministère de la Justice réponde à leurs revendications», a déclaré une responsable du Syndicat des Magistrats Tunisiens (SMT) qui a requis l'anonymat.

La grève, commencée mardi, «est suivie à 100%», a-t-elle ajouté.

Interrogée sur l'éventuel report du procès, la présidente du tribunal de première instance Mongia Jbéli chargée du dossier a répondu à l'AFP: «Interrogez le syndicat, il est plus au courant que moi».

Un juge qui a également requis l'anonymat a déclaré à l'AFP que «demain sera le jour le plus important du mouvement puisque nous attirerons l'attention du monde sur notre cause», a-t-il dit.

Deux avocats commis d'office pour assurer la défense de l'ex-président, ont également confirmé à l'AFP qu'il y avait un «grand risque de report».

Me Abdelsattar Massoudi «pense qu'il y a un grand risque que l'audience soit reportée» en raison de la détermination des trois magistrats. «Il y a des discussions mais à mon avis on ne saura pas tout de suite s'il y a confirmation» du report, a-t-il dit.

Son confrère Hosni Beji est du même avis. «Nous pensons qu'il y aura un report car je ne peux pas dire qu'ils vont casser leur grève pour cette affaire» de Ben Ali, a-t-il dit à l'AFP.

L'ex-président tunisien devait répondre jeudi de détention d'armes et de stupéfiants, après avoir été condamné avec son épouse Leila Trabelsi le 20 juin à 35 ans de prison pour détournements de fonds publics.

À l'appel du SMT, les magistrats ont entamé mardi trois jours de grève pour obtenir «un changement radical» au sein du ministère de la Justice.

«Les juges continuent de subir menaces et pressions même après la révolution», a déploré mercredi Boubaker Souguir, vice-président du SMT, lors d'un point de presse au Palais de la justice à Tunis. Il s'agit de «méthodes basses et humiliantes», a-t-il affirmé.

Ils protestent aussi contre l'adoption attendue d'un décret relatif à la profession d'avocat sans les avoir préalablement consultés et estiment qu'il faut réformer «tout le secteur judiciaire».

Les notaires et conseillers fiscaux se sont joints au mouvement, jugeant que certaines de leurs prérogatives sont menacées par ce texte.

Dans un communiqué, le ministère de la Justice a rejeté ces accusations.

«Ces allégations sont dépourvues de tout fondement, dès lors que la relation entre les magistrats et leurs structures repose désormais sur la transparence, l'ouverture, la clarté et la responsabilité», lit-on dans ce texte.