Les Tunisiens étaient partagés entre regret et frustration au lendemain de la condamnation de Zine El Abidine Ben Ali. L'ex-président tunisien a écopé lundi, de même que son épouse Leïla Trabelsi, de 35 ans de prison ferme et d'amendes de près 45 millions d'euros pour détournement de fonds et malversations.

«C'est du cinéma», a lancé, énervé, Fethi Jaziri, 49 ans. «Le fait qu'il (Ben Ali) ait été jugé par contumace n'a nullement assouvi ma soif de justice», a observé mardi ce commerçant du Kram, une banlieue de Tunis. Il considère que «c'est de la poudre aux yeux d'autant que les symboles de la corruption sont encore libres».

Même son de cloche du jeune Mourad Bouzayane, 29 ans, qui trouve que «le verdict n'a pas de sens dans la mesure où le président déchu se trouve à l'étranger et que, de ce fait, il ne fera pas de la prison ni ne paiera d'amende».

Tout comme des dizaines de manifestants rassemblés devant le palais de justice le jour de ce «procès historique», selon Tunis-Hebdo, nombre d'observateurs auraient aimé voir «le dictateur déchu» jugé pour des délits autrement plus graves.

«Je me demande pourquoi on a axé sur les affaires de malversations et de drogue, en occultant celles plus importantes attendues impatiemment par la population qui concernent essentiellement les homicides, la propagation de la terreur et le complot contre la sûreté intérieure du pays», s'est interrogé dans le journal Achourouk le président de la Ligue tunisienne des droits de l'Homme (LTDH), Me Mokhtar Trifi.

Avec du recul, d'autres Tunisiens trouvent cependant le verdict «logique» au vu des griefs retenus pour ce procès, première étape d'un feuilleton judiciaire comportant 93 affaires de droit commun et 182 relevant de la juridiction militaire.

Qualifiant le procès de «régulier» sur le plan de la procédure judiciaire, l'avocat Mohamed Abbou, un dissident virulent sous le régime Ben Ali qui l'a emprisonné plus de trois ans pour des articles publiés sur Internet, y perçoit «un message et une leçon à tous ceux en Tunisie et dans le monde arabe qui soient tentés à l'avenir d'opprimer leurs peuples».

Par ailleurs, dans un communiqué rendu public par son avocat libanais, Ben Ali nie avoir fui la Tunisie et prétend plutôt avoir été «trompé». L'ancien président affirme avoir pris l'avion à destination de l'Arabie saoudite après avoir été informé d'un complot contre sa vie. Il aurait ensuite eu l'intention de revenir en Tunisie à bord du même avion, mais le pilote serait reparti sans lui.