Les premières élections de l'après-Ben Ali en Tunisie, initialement prévues le 24 juillet, sont reportées au 23 octobre, pour permettre au pays pionnier du «printemps arabe» d'organiser un scrutin libre et transparent, a tranché mercredi le gouvernement au terme d'un vif débat.

«Nous avons pris en compte tous les avis et nous avons décidé de tenir les élections le 23 octobre», a déclaré à la presse le premier ministre tunisien de transition, Béji Caïd Essebsi, lors d'une réunion avec les partis politiques.

«Le plus important, c'est la transparence des élections», a-t-il insisté, en soulignant que «la révolution et la Tunisie ont une réputation que nous devons protéger».

Cette élection cruciale, qui aura valeur de test pour la transition démocratique dans ce pays récemment sorti d'une dictature, promet d'être suivie attentivement par la communauté internationale.

L'élection d'une Assemblée constituante, qui dotera le pays d'un pouvoir légitime, était prévue le 24 juillet. Mais la commission électorale avait demandé un report au 16 octobre, contre l'avis initial du gouvernement et de certains partis, en affirmant avoir besoin de ce délai pour organiser une élection crédible et transparente.

«Nous avions un choix: dissoudre la commission (électorale), revenir à des élections organisées par le ministère de l'Intérieur et retomber dans les tares de l'ancien régime, ou garder la commission. Nous avons donc décidé de la garder», a ajouté le premier ministre.

M. Essebsi a également demandé aux Tunisiens de «rompre définitivement avec toutes les formes de grèves et de protestations» pour tenir les élections dans de bonnes conditions, en avançant que le pays, en difficultés économiques, «ne tolère plus de telles perturbations».

Les partis acceptent finalement le report

La majorité des partis politiques tunisiens se sont inclinés mercredi face à la décision du gouvernement de reporter l'élection de l'Assemblée constituante au 23 octobre, après de vifs débats.

L'influent mouvement islamiste Ennahda, violemment combattu sous le régime Ben Ali, s'est dit «d'accord» mercredi avec ce report, après avoir longtemps insisté sur le respect de la date initiale du 24 juillet.

Ce grand parti, crédité de fortes intentions de vote par les experts, est «d'accord avec la date annoncée par le premier ministre», a déclaré à l'AFP un de ses membres fondateurs, Nourredine Bhiri, en qualifiant toutefois ce report de «décision politique, et non technique ou logistique».

«Le plus important est de redonner une légitimité populaire au pouvoir», aux mains d'un gouvernement provisoire depuis la chute du régime Ben Ali le 14 janvier, a-t-il précisé.

Il n'existe «pas de polémique concernant la date, on est tous d'accord, attelons-nous à mettre en exécution cette échéance», a renchéri un cadre du mouvement Ennahda, Abdelfattah Mourou.

Pour Kamel Morjan, ancien ministre des Affaires étrangères de Ben Ali et président fondateur du parti Al-Moubadara, «l'essentiel, c'est que les conditions soient réunies pour que les élections se déroulent dans les meilleures conditions possible et réussissent».

«Nous allons essayer de gagner des sièges, c'est évident», a-t-il ajouté.

Mohamed Kilani, secrétaire général du Parti socialiste, a quant à lui critiqué la méthode, la comparant aux habitudes de l'ancien régime.

«Ils nous invitent pour nous dire que l'élection est reportée. Toutefois, nous acceptons malgré nous», a-t-il affirmé.

«Nous avions proposé la date du 14 janvier 2012, date anniversaire de la révolution tunisienne comme date des élections de la Constituante, mais dommage, les symboles ne comptent pas assez pour eux», a-t-il déploré.

Après 23 ans de pouvoir sans partage, Zine el Abidine Ben Ali a fui la Tunisie le 14 janvier dernier pour l'Arabie Saoudite, sous la pression d'un puissant soulèvement populaire.