L'armée russe a annoncé mardi avoir pour la première fois bombardé des «cibles terroristes» en Syrie grâce à des informations données par ce qu'elle présente comme «des représentants de l'opposition» syrienne.

«Nous avons créé un groupe de coordination dont la composition (...) ne peut pas être rendue publique», a déclaré le chef des opérations militaires russes en Syrie, le général Andreï Kartapolov.

Il a évoqué une «coopération étroite» permettant d'unifier les efforts de l'armée loyale au président Bachar al-Assad et de «forces patriotiques syriennes» ayant été auparavant dans l'opposition.

«Ces forces patriotiques, bien qu'elles aient combattu pendant quatre ans les forces gouvernementales, ont placé l'idée de préserver un État souverain et uni au-dessus de leurs ambitions politiques», a ajouté le général Kartapolov.

Il n'a pas précisé qui étaient ces «forces patriotiques», l'Armée syrienne libre (ASL) ou tout autre groupe rebelle nationaliste, l'opposition en exil ou celle tolérée par le pouvoir de Damas.

Grâce aux «coordonnées» fournies par les opposants, 12 avions russes ont bombardé 24 cibles dans les régions de Palmyre, Deir Ezzor, Ithriya et à l'est d'Alep, touchant notamment un «centre de commandement» de l'organisation État islamique (EI), a dit le responsable russe.

«Les coordonnées de ces cibles nous ont toutes été données par des représentants de l'opposition syrienne», a-t-il affirmé.

Au total, selon le haut gradé russe, l'aviation russe a effectué 1.631 sorties et frappé 2.084 cibles depuis le début de l'intervention militaire de Moscou le 30 septembre.

Le général Kartapolov a assuré que 52 camps d'entraînement terroristes, 155 dépôts de munitions et 40 ateliers de fabrication de mines ou de missiles avaient été détruits et que cela a contribué à «désorganiser durablement l'organisation et l'approvisionnement des terroristes».

Raids aériens

Depuis le début de son intervention en Syrie, la Russie dit viser exclusivement l'EI et d'autres groupes «terroristes» à la demande du régime de Damas.

Washington et ses alliés affirment que les raids russes sont destinés à sauver le régime du président Assad et touchent peu l'EI mais surtout d'autres groupes hostiles au régime de Damas.

Le Pentagone a annoncé qu'Américains et Russes avaient testé avec succès mardi une procédure permettant à leurs pilotes en opération dans le ciel syrien de se parler directement pour éviter les incidents. Cette procédure résulte d'un accord signé fin octobre par Moscou et Washington.

Les États-Unis et la coalition internationale qu'ils dirigent mènent depuis septembre 2014 des bombardements contre le groupe État islamique en Syrie.

Sur le terrain, au moins 23 personnes -13 combattants de l'EI et dix civils- ont été tuées mardi dans des raids aériens sur la ville de Raqa, capitale de facto de l'organisation extrémiste dans le nord de la Syrie, a déclaré à l'AFP le directeur de l'Observatoire syrien des droits de l'Homme (OSDH), Rami Abdel Rahmane.

Également dans le nord de la Syrie, 10 civils ont été tués par des raids aériens sur la ville d'Alep, divisée entre quartiers contrôlés par le gouvernement et secteurs sous contrôle rebelle, selon la même source.

M. Abdel Rahmane n'était pas en mesure d'indiquer si les avions étaient ceux de l'armée syrienne ou de la Russie.

Rejet d'une «période de transition»

Sur le plan politique, un haut responsable syrien, Fayçal Moqdad, a déclaré mardi qu'il n'était pas question d'une «période de transition» en Syrie, alors que des pays occidentaux et l'opposition insistent sur une transition sans le président Assad.

L'idée d'une autorité gouvernementale de transition dotée des pleins pouvoirs qui préparerait la tenue d'élections en Syrie a été approuvée par les grandes puissances en juin 2012, lors de la conférence internationale sur la Syrie dite de Genève I.

«Il n'y a pas de période de transition. Il existe (en Syrie) des institutions officielles qui fonctionnent», a déclaré M. Moqdad, vice-ministre syrien des Affaires étrangères, cité par l'agence de presse officielle syrienne Sana.

«Nous parlons de dialogue national, d'un gouvernement élargi (à l'opposition), d'un processus constitutionnel et non d'une période de transition», a-t-il dit au cours d'une visite à Téhéran, allié clé du président Assad.

Le ministre russe des Affaires étrangères, Sergueï Lavrov, reçoit mercredi à Moscou l'émissaire de l'ONU pour la Syrie, Staffan de Mistura.

Le thème principal de la rencontre sera «le processus politique en Syrie, la mise en place d'un dialogue réel entre Damas et l'opposition syrienne», a déclaré à la presse la porte-parole du ministère russe, Maria Zakharova.

Une conférence rassemblant tous les acteurs du conflit syrien, mais à laquelle n'étaient représentés ni le pouvoir ni l'opposition, s'est tenue vendredi à Vienne. Les pourparlers y ont achoppé sur de nombreux points dont le principal est le sort de M. Assad. Les participants doivent se retrouver à la mi-novembre.

Les pilotes russes et américains communiquent

Américains et Russes ont testé avec succès la procédure qui permet à leurs pilotes en opération dans le ciel syrien de se parler directement pour éviter les incidents, a indiqué mardi le Pentagone.

Un avion de combat américain «a conduit mardi un test de communication planifié avec un avion de combat russe» dans le ciel syrien, a indiqué le capitaine de vaisseau Jeff Davis, porte-parole du Pentagone.

Le test a duré «trois minutes» et «a rempli ses objectifs», a-t-il précisé.

Cette procédure s'inscrit dans le cadre de l'accord signé le 20 octobre par Moscou et Washington pour éviter les incidents entre leurs avions de combat respectifs en mission au-dessus de la Syrie.

Les États-Unis et la coalition internationale qu'ils dirigent mènent depuis septembre 2014 des bombardements contre le groupe armé État islamique en Syrie.

La Russie a lancé à son tour le 30 septembre dernier une campagne de bombardements en Syrie, dirigée officiellement contre les groupes «terroristes» opérant dans le pays, mais qui est surtout destinée à soutenir le régime de Bachar al-Assad, selon les Américains et leurs alliés.

Depuis deux mois, le nombre de bombardements américains et alliés en Syrie a sensiblement diminué par rapport aux mois précédents.

Selon le site airwars.org, qui compile les communiqués quotidiens des militaires américains, la coalition a mené 117 frappes en octobre, le plus faible total mensuel à l'exception du mois du démarrage de la campagne.

Le Pentagone nie tout lien avec le début de l'intervention russe, estimant qu'il s'agissait de «fluctuations» typiques d'une campagne militaire.

De fait, les frappes de la coalition se sont de nouveau accélérées depuis le 30 octobre.

Le secrétaire à la Défense américain Ashton Carter a annoncé la semaine dernière une «intensification» de la campagne aérienne contre les djihadistes de l'État islamique.

Un responsable américain de la Défense a précisé que le test de communication de mardi ne pouvait être assimilé à un «entrainement conjoint», l'expression utilisée par un communiqué du ministère russe de la Défense sur le même test.

«Nous avons arrêté toutes les coopérations militaires avec la Russie après l'invasion de la Crimée, et cela reste en vigueur», a-t-il souligné.