L'armée syrienne a annoncé officiellement jeudi le lancement d'une offensive terrestre majeure avec le soutien des bombardements de la Russie, dont «l'escalade des activités militaires» inquiète l'OTAN.

Le général syrien Ali Abdallah Ayoub a affirmé solennellement à la télévision que les forces armées syriennes avaient «commencé aujourd'hui (jeudi) une vaste offensive en vue d'écraser les groupes terroristes et libérer les régions et les localités qui ont souffert du terrorisme et de ses crimes.

Une source militaire syrienne avait affirmé mercredi qu'une telle attaque du régime avait été lancée dans la province de Hama (centre).

Il n'était pas clair jeudi si l'armée avait réussi à avancer. Selon al-Watan, un quotidien proche du pouvoir, l'armée a «récupéré» 70 km2 et une dizaine de villages, mais les militants antirégime ont démenti toute avancée.

Moscou, qui a effectué jeudi de nouveaux bombardements, notamment à Hama selon l'Observatoire syrien des droits de l'homme (OSDH), a prévenu de son côté que ses opérations militaires en Syrie «seront synchronisées avec les opérations terrestres de l'armée syrienne».

Depuis le début le 30 septembre de son intervention militaire en Syrie, la Russie a effectué des bombardements depuis des avions de combat et des croiseurs en mer Caspienne, mais n'a pas engagé de troupes au sol.

Selon le général Ayoub, ces bombardements russes «ont diminué la capacité de combat (...) des groupes terroristes» et «l'armée syrienne a gardé l'initiative militaire». Ces derniers mois, le régime avait encaissé plusieurs revers militaires sérieux face aux groupes rebelles qui le combattent.

D'après l'OSDH, les frappes russes de jeudi ont touché le secteur tenu par les rebelles dans la province côtière de Lattaquié, bastion du régime, et celle de Hama, notamment dans le secteur de Sahl al-Ghab, une plaine perdue récemment par l'armée syrienne qui tente désormais de déloger une coalition de rebelles islamistes et de djihadistes d'Al-Qaïda.

«Ces frappes aériennes interviennent en soutien de la nouvelle offensive terrestre du régime», a affirmé le directeur de l'OSDH, Rami Abdel Rahmane.



Une escalade qui inquiète l'OTAN

L'OTAN s'est inquiétée jeudi de l'«escalade» de l'engagement militaire russe en Syrie, exhortant à nouveau Moscou à cesser de soutenir le régime de Bachar al-Assad, et s'est dite prête à défendre chacun de ses membres, «y compris la Turquie».

De son côté, le secrétaire américain à la Défense, Ashton Carter, a prédit que l'armée russe subirait bientôt ses premières pertes humaines dans le conflit syrien.

«En Syrie, nous avons observé une escalade inquiétante des activités militaires russes», a déclaré le secrétaire général de l'OTAN, Jens Stoltenberg, au cours d'une réunion des 28 ministres de la Défense de l'Alliance à Bruxelles.

«Ceci est particulièrement pertinent au regard des violations récentes de l'espace aérien de l'OTAN par des avions russes», a estimé M. Stoltenberg après qu'Ankara a vivement dénoncé des incursions aériennes russes à la frontière turco-syrienne.

Prévue de longue date, la rencontre ministérielle a eu pour toile de fond les tensions croissantes avec la Russie, qui a entamé le 30 septembre une campagne intensive de bombardements en Syrie.

Présent à Bruxelles, le ministre américain de la Défense a averti que Moscou en paierait bientôt le prix.

«Je m'attends à ce que, dans les prochains jours, la Russie commence à subir des pertes» humaines, a-t-il pronostiqué.

Le responsable américain a aussi estimé que les Russes misaient sur le mauvais camp en Syrie et exhorté le président Vladimir Poutine à s'aligner sur la stratégie américaine d'une Syrie sans Assad.

«Ils ont déclenché une offensive terrestre ensemble avec le régime syrien, faisant fi de l'illusion qu'ils sont intervenus pour combattre l'(organisation) État islamique», a-t-il accusé.

Au nom de l'Alliance, Jens Stoltenberg a répété que l'OTAN, qui a renforcé ces derniers mois ses moyens de déploiement sur ses flancs Est et Sud, était plus prête que jamais à défendre chacun de ses membres, «y compris la Turquie».

Parallèlement, M. Stoltenberg a plaidé pour des «initiatives afin de trouver une solution politique à la crise en Syrie», même si l'OTAN n'est pas collectivement impliquée dans cette guerre.

«Ce qui m'inquiète, c'est que les Russes ne visent pas principalement l'EI, mais d'autres groupes de l'opposition et qu'ils soutiennent le régime», a reproché M. Stoltenberg.

Ce dernier a de nouveau appelé la Russie à jouer «un rôle constructif dans la lutte contre l'EI et à ne pas continuer à soutenir le régime Assad», considérant que l'intervention russe «compliquait encore» la recherche d'une solution.

Washington «ne coopéra pas avec la Russie tant qu'elle poursuivra cette stratégie erronée», a renchéri Ashton Carter, tout en lui laissant la «porte ouverte» en cas de changement d'attitude.

Soldats britanniques aux Pays baltes

Par ailleurs, pendant la réunion ministérielle, Londres a annoncé avoir décidé de dépêcher un petit contingent de militaires dans les Pays baltes et en Pologne, dans le cadre du renforcement de la «réactivité» de l'OTAN.

Mais ce déploiement à long terme, destiné à rassurer les anciens membres du Bloc de l'Est, n'est pas qualifié de «permanent», car cela contreviendrait à l'accord-cadre signé en 1997 par l'OTAN et la Russie.

Dans le même esprit, les ministres ont approuvé la création de deux nouveaux petits quartiers généraux en Slovaquie et en Hongrie, qui s'ajouteront aux six déjà mis sur pied dans d'autres pays d'Europe orientale.

De Berlin, le président de la Commission européenne Jean-Claude Juncker a pour sa part jugé jeudi que les Occidentaux devaient «traiter la Russie correctement» et lui parler d'égal à égal, critiquant le président américain Barack Obama pour avoir qualifié Moscou de puissance régionale.

Enfin, la détérioration de la situation sécuritaire en Afghanistan s'est invitée à l'ordre du jour à Bruxelles.

L'OTAN, qui a retiré de ce pays ses troupes de combat fin 2014, y maintient toutefois une mission d'entraînement et de soutien à l'armée afghane. La prise, même provisoire, de la ville de Kunduz (nord) la semaine dernière a démontré que les forces afghanes n'étaient pas encore prêtes à tenir tête aux talibans.

M. Stoltenberg a souligné que l'alliance resterait en Afghanistan après 2016, date prévue de la fin de cette mission, mais que le niveau des effectifs des troupes de soutien restait à définir.

Le chef de l'OTAN a aussi réclamé une enquête «exhaustive et transparente» après le bombardement d'un hôpital de MSF par l'aviation américaine à Kunduz qui a fait au moins 22 morts et 35 disparus.