Le Liban est à bout de souffle. Le petit pays grand comme l'Estrie, peuplé de 4,5 millions d'habitants, sert de terre d'asile à au moins 1,2 million de réfugiés syriens. Il est temps que le monde lui vienne en aide et s'attaque à la crise globale des réfugiés, dit Amnistie internationale. Explications en cinq points.

Conditions «dramatiques»

Les camps de réfugiés sont «un peu partout» au Liban, constate la directrice générale d'Amnistie internationale pour le Canada français, Béatrice Vaugrante. Des centaines de petits camps informels où vivent environ 200 familles dans «des conditions de vie dramatiques», a-t-elle dit à La Presse, hier, au terme de sa mission sur place. L'afflux de réfugiés est tel que «depuis janvier, le gouvernement libanais a mis beaucoup plus de restrictions» pour l'obtention d'un titre de séjour pour les réfugiés syriens, dont «un paiement de 200 $», une somme énorme pour eux, qui reçoivent une allocation de 19$ par mois du Programme alimentaire mondial.

Pression énorme

Le Liban a fait des «efforts énormes» depuis trois ans pour accueillir 1,2 million de réfugiés syriens, insiste Béatrice Vaugrante. Malgré quelques tensions, la cohabitation entre la population libanaise et les réfugiés syriens demeure relativement bonne, mais la présence de ces derniers représente une lourde charge pour l'État libanais. «Il y a des pressions économiques, des pressions sociales aussi, évidemment, sur la capacité d'offrir des services sociaux à [tous ces gens]», signale Mme Vaugrante. Elle ajoute que l'arrivée massive de Syriens, pour la plupart des musulmans sunnites, bouleverse «l'équilibre précaire» qui prévaut au Liban entre sunnites, chiites, chrétiens et druzes.

Pire crise depuis la Seconde Guerre mondiale

La crise syrienne a fait à elle seule 4 millions de réfugiés, ce qui a fait bondir à 16 millions le nombre total de réfugiés dans le monde. La planète compte en outre 38 millions de déplacés internes. Amnistie internationale considère qu'il s'agit de la pire crise de réfugiés depuis la Seconde Guerre mondiale. Dans un rapport publié lundi, l'organisation plaide pour la mise en place d'un fonds mondial pour soutenir les pays qui accueillent un grand nombre de réfugiés. «Ce n'est pas au Liban de supporter [seul] ce poids-là et cet afflux de réfugiés», estime Béatrice Vaugrante.

Le Canada peut accueillir plus de réfugiés

Les pays industrialisés doivent aussi ouvrir davantage leurs portes aux réfugiés, affirme Amnistie internationale. Le Canada, qui s'est engagé à accueillir 10 000 réfugiés syriens sur trois ans, «pourrait facilement [en] accepter le double ou le triple», lance Béatrice Vaugrante. D'autant que 60% des Syriens qui viendront au Canada seront parrainés par des organismes communautaires ou des citoyens, non pas par le gouvernement, précise-t-elle. «C'est toujours plus que la France et l'Angleterre», reconnaît-elle, mais «la Suède et l'Allemagne en font beaucoup plus: c'est 30 000 personnes qu'elles arrivent à réinstaller [chez elles].»

L'exemple des réfugiés de la mer

«Il faut une réponse mondiale» à la crise des réfugiés «et il fut un temps où le Canada aurait pris le leadership de cette réponse mondiale, martèle Béatrice Vaugrante. Ça ne peut pas toujours être dans la cour du voisin.» Elle rappelle que le Canada avait accueilli en 1979 et 1980 quelque 60 000 réfugiés de la mer venus du Viêtnam, du Cambodge et du Laos. «Sincèrement, 20 000, 30 000 réfugiés syriens au Canada, sur 35 millions d'habitants [...], ça ne changerait vraiment pas notre style de vie et ça sécuriserait beaucoup de familles syriennes.»

> 10 000 km2(l'équivalent de la superficie de l'Estrie)

> 4,5 millions d'habitants

> 1,2 million de réfugiés syriens