Le chef militaire de la branche syrienne d'Al-Qaïda et plusieurs de ses lieutenants ont été tués dans le nord-ouest de la Syrie, ont indiqué vendredi l'agence officielle Sana et une ONG, au moment où ce groupe veut y constituer un «émirat» islamique.

Par ailleurs, le Conseil de sécurité de l'ONU a adopté vendredi une résolution condamnant l'utilisation du gaz de chlore comme arme chimique dans le conflit, mais sans en désigner les coupables.

Le Front Al-Nosra, qui combat sur plusieurs fronts en Syrie, n'a pas confirmé le décès du commandant Abou Hammam al-Chami, et les versions divergent sur la date et les conditions de sa mort.

Sana a annoncé que le «commandant en chef du groupe terroriste Front Al-Nosra, Abou Hammam Al-Chami, surnommé al-Farouq al-Souri, et plusieurs dirigeants du groupe ont été tués dans une opération de l'armée contre leur réunion à Al-Hobeit», une localité à 55 km au sud de la ville d'Idleb.

Sana ne précise pas la date ni la nature de l'opération, mais elle a pour habitude d'annoncer en soirée ce que l'armée a fait dans la journée.

Selon Rami Abdel Rahmane, directeur de l'Observatoire syrien des droits de l'homme (OSDH), Al-Chami est mort jeudi mais des suites de blessures qui ont «peut-être» été causées par un raid aérien contre un QG du groupe djihadiste le 27 février dans la province d'Idleb.

Le Front Al-Nosra avait alors confirmé seulement la mort de deux commandants, tués selon le groupe dans un raid de la coalition dirigée par les États-Unis.

Impact limité 

Un militant d'Idleb, Ibrahim al-Idlibi, joint par téléphone, a confirmé la version de l'OSDH. Selon lui, la mort du chef militaire «porte un coup au moral des sympathisants d'Al-Nosra, et c'est pour cela que l'organisation n'a pas voulu publier son nom».

À Washington, le Pentagone a assuré que la coalition n'avait pas mené de frappes près de cette région ces derniers jours.

Abou Hammam Al-Chami est un vétéran du réseau Al-Qaïda avec lequel il a combattu en Afghanistan et en Irak. Emprisonné pendant quatre ans au Liban, il est ensuite devenu le chef militaire d'Al-Nosra.

Même si sa mort est confirmée, les experts s'accordent à minimiser sa portée.

Pour Thomas Pierret, un spécialiste de l'islam en Syrie, «c'est un coup sévère mais il ne faut pas a priori en surévaluer l'impact». «Les organisations de ce type sont très bien structurées et préparées à la perte de leaders importants», ajoute ce maître de conférence à l'université d'Édimbourg.

Le Front Al-Nosra a chassé ces derniers mois les rebelles modérés d'Idleb, où il est devenu la principale force d'opposition et cherche à y instaurer un «émirat» islamique.

Pont dynamité par l'EI 

À New York, le texte de la résolution a été adopté par 14 voix pour, dont la Russie, et une abstention, le Venezuela.

Mais il ne désigne pas les coupables de l'utilisation du chlore dans le nord de la Syrie, attestée par des rapports d'enquête de l'Organisation pour l'interdiction des armes chimiques (OIAC). Le gouvernement et l'opposition armée se renvoient la responsabilité.

Damas, qui a signé la convention sur l'interdiction des armes chimiques, dément avoir utilisé du chlore et affirme avoir détruit toutes ses armes chimiques.

Le conflit syrien, qui a fait plus de 220 000 morts en quatre ans, est devenu complexe avec la montée en puissance des djihadistes comme Al-Nosra ou le groupe Etat islamique (EI) qui contrôle de larges secteurs dans le nord et l'est du pays.

Dans le nord, les djihadistes de l'EI, qui ont dû fuir deux grands villages, ont fait sauter un pont sur l'Euphrate pour empêcher les combattants kurdes d'avancer en direction de Jarablous, un de leurs fiefs sur la frontière avec la Turquie, selon l'OSDH.

Plus à l'ouest, dans la province de Lattaquié, les forces du régime se sont emparées de Dourine, un village stratégique car surplombant Salma, la principale agglomération tenue par les rebelles dans le secteur. Les combats ont fait 13 morts dans les rangs du régime et neuf chez les insurgés, selon la même source.

Vote attendu à l'ONU

M. Abdel Rahmane a en outre fait état de la mort jeudi de cinq autres responsables d'al-Nosra dans la province d'Idleb, sans les identifier.

Pour Lina al-Khatib, directrice du Carnegie Middle East Center, «al-Nosra a plusieurs chefs importants, et même s'il en perd un ou plus, il a assez de soutien populaire pour lui permettre de continuer son existence».

«En outre comme cette organisation opère de manière décentralisée, la perte d'un leader est quelque chose qu'elle peut surmonter sans trop de dommages», selon la chercheuse.

Le Front al-Nosra a chassé ces derniers mois les groupes rebelles modérés de la province d'Alep (nord), où il est devenu la principale force d'opposition. Ce groupe cherche à instaurer un «émirat» islamique dans cette région.

Dans Alep, les combats ont redoublé d'intensité ces derniers jours, et des dizaines de civils y sont morts.

Le conflit syrien, qui entrera dans sa 5e année le 15 mars, est devenu éminemment complexe au fil des années.

Déclenché par une contestation populaire violemment réprimée, il s'est transformé en une guerre sur plusieurs fronts, où rebelles syriens et djihadistes, qui combattent tous le régime de Bachar al-Assad, sont devenus ennemis.

Et la rapide montée en puissance en 2013 de l'organisation de l'État islamique (EI) a éclipsé la rébellion contre le régime.

Le président Bachar al-Assad «a perdu tout semblant de légitimité, mais nous n'avons pas de priorité plus haute que de perturber et de défaire Daech (l'acronyme arabe pour l'EI)», a déclaré jeudi le secrétaire d'État John Kerry.

Enfin à New York, le Conseil de sécurité de l'ONU doit se prononcer sur une résolution condamnant l'utilisation du gaz de chlore dans le conflit syrien.