Aujourd'hui, les membres du Conseil de sécurité des Nations unies se réuniront pour parler du conflit en Syrie. Forte d'un rapport démontrant l'utilisation d'armes illégales par le régime de Bachar al-Assad, l'organisation Human Rights Watch demande de nouvelles sanctions.

La vidéo, portant la date du 6 février 2014, montre un hélicoptère au-dessus de la ville syrienne de Deraa. Une bombe cylindrique est lancée de l'appareil et tombe sur un quartier résidentiel.

L'homme qui tourne la vidéo lance un «Allah est grand!» de désespoir avant de se diriger vers le lieu de l'impact. Deux petites filles, dans les entrailles de ce qui était leur maison, hurlent de peur. Des vidéos similaires se répètent le 16 mars, le 23 mai et le 23 août 2014.

Selon l'organisation internationale Human Rights Watch (HRW), qui a mis ces vidéos en ligne, les forces de l'ordre syriennes ont régulièrement recours à des barils d'explosifs, et ce, même si une résolution adoptée par le Conseil de sécurité des Nations unies en interdit explicitement l'utilisation depuis un an.

«Les barils d'explosifs sont des bombes bon marché et assez primitives que le gouvernement syrien utilise depuis des années. Elles sont conçues pour faire le plus de dommages possible et font de terribles dégâts quand elles tombent parmi les populations civiles», explique Philippe Bolopion, de Human Rights Watch.

«Le gouvernement syrien lance ses bombes à partir d'hélicoptères volant à haute altitude. C'est alors impossible de viser une cible militaire plutôt qu'une zone résidentielle», ajoute M. Bolopion.

À l'aide de vidéos, de photos, de cartes satellites et d'entrevues de témoins, l'organisation de défense des droits de la personne a documenté l'utilisation de barils d'explosifs 450 fois à Deraa et 1000 fois à Alep au cours de la dernière année. Selon HRW, ces barils ont tué des milliers de civils.

Déni présidentiel

Ce constat contredit de récentes affirmations du président syrien Bachar al-Assad. Lors d'une entrevue accordée à la BBC, le dictateur syrien a soutenu que ses forces n'avaient pas recours à de telles armes. «Il n'y a pas de barils d'explosifs. Nous n'avons pas de barils», a dit Assad.

En rendant public un nouveau rapport hier, Human Rights Watch a voulu appeler le Conseil de sécurité à l'action. Elle demande à l'organisation d'imposer un embargo sur la vente d'armes au gouvernement syrien, tout comme aux rebelles.

Coriaces droits de veto

Paul Heinbecker, ancien ambassadeur du Canada aux Nations unies, doute fort que de telles sanctions puissent être imposées à la Syrie. Depuis le début de la guerre, en 2011, la Russie et la Chine ont empêché l'adoption de mesures contraignantes visant Bachar al-Assad.

«Human Rights Watch sait tout comme moi que les Russes vont continuer à bloquer toute action, mais ça vaut quand même la peine de le demander, expose le diplomate. À ce point, je ne vois pas comment on pourrait amener les Russes à collaborer. Ils sont complètement indifférents aux souffrances des autres», affirme M. Heinbecker.

Selon les Nations unies, au moins 200 000 personnes ont perdu la vie en Syrie au cours des quatre dernières années, et plus de 11,5 millions de personnes ont été déplacées, dont 4 millions dans les pays voisins.

Vers une nouvelle résolution

Le 22 février 2014, le Conseil de sécurité a adopté la résolution 2139 pour venir en aide aux civils. Cette résolution, la plus musclée à ce jour, enjoignait à tous les belligérants de quitter les zones peuplées.

Le Conseil de sécurité exigeait aussi que «toutes les parties au conflit mettent immédiatement fin à l'emploi sans discrimination d'armes dans des zones peuplées, tels les tirs d'obus et les bombardements aériens, tel l'emploi de barils d'explosifs, et de méthodes de guerre qui sont de nature à causer des maux superflus ou des souffrances inutiles».

Une réunion du Conseil prévue aujourd'hui sera consacrée à la révision de cette résolution, un an après son entrée en vigueur.

Pour être adoptée, une nouvelle résolution doit recevoir l'aval de neuf membres du Conseil de sécurité, dont les cinq membres permanents - la Russie, les États-Unis, la Chine, la France et le Royaume-Uni -, qui détiennent un droit de veto.

UNE ARME EXPLOSIVE ET INTERDITE

Selon Human Rights Watch, le régime syrien utilise des barils d'explosifs dans les zones tenues par les rebelles. L'utilisation de ces armes dans des quartiers peuplés est interdite par le Conseil de sécurité des Nations unies. Les barils d'explosifs sont lancés à partir d'hélicoptères qui volent à haute altitude. Cela réduit la précision des frappes. Un baril de pétrole vide est utilisé la plupart du temps pour construire ces bombes bon marché. Il est rempli d'explosifs et de morceaux de métal visant à faire le plus grand nombre possible de victimes, et il est muni d'un détonateur. Des ailerons de métal sont fixés à l'ensemble, de manière à orienter le baril durant sa chute. Ils augmentent la probabilité que le détonateur, activé à l'impact, fonctionne.