Al-Qaïda a infligé lundi une gifle au régime syrien en s'emparant en quelques heures de deux bases militaires stratégiques dans le nord-ouest, une région frontalière désormais presque totalement contrôlée par le groupe jihadiste.

À la faveur d'une offensive éclair lancée dimanche, le Front al-Nosra, branche syrienne d'Al-Qaïda, secondé par deux groupes islamistes radicaux, a pris Wadi al-Deif et Hamidiyé, deux bases de la province d'Idleb qui étaient assiégées par les rebelles depuis deux ans.

Selon les analystes, ce succès va permettre à Al-Nosra d'asseoir son contrôle dans cette zone d'où il a déjà chassé il y a quelques semaines ses rivaux rebelles soutenus par les Occidentaux. Cela pourrait également pousser le groupe jihadiste à attaquer Idleb, chef-lieu de la province et dernière ville de la région encore aux mains du régime du président Bachar al-Assad.

En outre, la prise des deux bases, situées sur l'autoroute reliant la province centrale de Hama à celle septentrionale d'Alep, devrait empêcher les forces du régime d'avancer vers le nord du pays.

Quelques heures après la prise de Wadi al-Deif, la plus importante position militaire d'Idleb, «Al-Nosra, Jound Al-Aqsa et Ahrar Al-Cham ont pris la base de Hamidiyé après de violents combats avec les forces du régime qui se sont retirées» vers des localités environnantes, a indiqué à l'AFP Rami Abdel Rahmane, directeur de l'Observatoire syrien des droits de l'Homme (OSDH).

Al-Nosra a revendiqué sur Twitter être «la seule faction à avoir pris part dans la libération de Wadi al-Deif», affirmant «pourchasser» les soldats.

3000 assaillants

La télévision syrienne, citant une source militaire, a implicitement reconnu la perte de Wadi Deif. «Les forces armées se sont redéployées ce matin dans la région de Wadi Deif et mènent des combats violents dans celle de Hamidiyé», a-t-elle annoncé.

D'après l'OSDH, qui dispose d'un large réseau d'informateurs à travers la Syrie, 31 soldats et 12 assaillants ont été tués à Wadi Deif dimanche.

Les attaquants jihadistes et islamistes étaient plus de 3000 hommes, selon une source du Hezbollah libanais, le mouvement chiite qui participe aux combats en Syrie aux côtés du régime.

Ils sont parvenus à s'emparer des deux bases malgré d'intenses raids de l'armée, selon l'OSDH. Un hélicoptère militaire a évacué dans la nuit de samedi à dimanche les hauts officiers de Hamidiyé avant la prise du camp, a précisé l'ONG.

«La victoire d'Al-Nosra revêt une réelle importance stratégique, car elle ouvre éventuellement la voie à un assaut d'envergure contre la ville d'Idleb», a indiqué à l'AFP Charles Lister, spécialiste des groupes jihadistes auprès du centre Brookings Doha Center.

«Elle souligne l'importance accrue des forces islamistes dans Idleb», alors que cette région était dominée depuis deux ans par les rebelles dits modérés, selon lui.

D'ailleurs, lors de son attaque contre Wadi al-Deif, «Al-Nosra a utilisé des tanks et des armes lourdes qu'il avait prises aux rebelles du Front révolutionnaire de Syrie», un groupe rebelle soutenu par l'Occident, d'après l'OSDH.

Cette avancée rappelle aussi la prise par le redoutable groupe Etat islamique (EI) cet été de deux bases militaires dans la province septentrionale de Raqa, marquée par l'exécution de centaines de soldats.

Bien que tous deux partagent une idéologie jihadiste, l'EI et Al-Nosra sont rivaux sur le terrain en Syrie, le premier contrôlant l'est et une large partie du nord du pays, tandis que la branche d'Al-Qaïda est surtout présente dans le nord-ouest.

Mais contrairement aux bases de Raqa implantées dans le désert, celles de Wadi al-Deif et Hamidiyé «se situent au coeur de la 'Syrie utile' (les grandes villes et les grands axes) dont le régime prétend garder le contrôle», explique à l'AFP Thomas Pierret, spécialiste des courants islamiques à l'Université d'Édimbourg.

Idleb est l'une des premières provinces à avoir échappé au contrôle du régime syrien peu après la révolte contre le régime d'Assad en mars 2011.

Pour les analystes, l'ambition du régime de reprendre cette région à partir d'Hama pour faire la jonction avec les troupes loyalistes stationnées au sud d'Alep est désormais largement compromise.

D'après M. Pierret, la principale cause de cette défaite de l'armée d'Assad est «l'usure du régime sur le plan des effectifs et du matériel (...) en particulier dans des endroits difficiles à ravitailler, car enclavés comme Wadi al-Deif».