C'est officiel, il y a 1 million de réfugiés syriens au Liban, a annoncé hier l'Organisation des Nations unies (ONU). Cet afflux de réfugiés renforce le sentiment anti-syrien au pays du cèdre. Une campagne sur les réseaux sociaux tente de faire changer les mentalités.

«Les réfugiés syriens sont devenus un vrai problème pour le village», s'exclame Salloum Salloum, président de la municipalité de Kfar Zabad. Ce village est situé au pied de la chaîne de montagnes qui marque la frontière naturelle avec la Syrie.

«Depuis qu'ils sont arrivés, il y a deux ans, les loyers ont triplé et des Libanais ont perdu leur emploi. Un ouvrier syrien accepte d'être payé 7$ par jour, alors qu'un Libanais ne peut pas travailler à moins de 20$. Certains Libanais sont devenus plus pauvres que les réfugiés qui reçoivent des aides!», lâche le politicien.

Les esprits s'échauffent dans la salle municipale. «Ils volent de l'électricité, des fruits dans les champs et laissent traîner des ordures», renchérit un autre employé municipal.

Un autre habitant du village va même plus loin. «Je connais plusieurs hommes qui ont quitté leur femme pour aller vivre avec des Syriennes. D'autres disent à leur femme, si tu n'es pas contente, je pars avec une Syrienne!»

Selon le président de la municipalité, Kfar Zabad compte presque plus de Syriens que de Libanais, entre ceux qui louent des appartements dans le village et les réfugiés logeant dans quatre camps formés de tentes, à proximité.

«Pour renforcer la sécurité, nous avons instauré un couvre-feu pour les Syriens de 19h à 6h du matin», explique Salloum Salloum. De plus en plus de municipalités font de même dans tout le Liban, notamment dans les banlieues de Beyrouth.

Un débat rationnel

C'est pour protester contre ce type d'actions qu'une campagne de «soutien aux Syriens victimes de racisme» a été lancée sur Facebook, inspirée par les succès de deux autres campagnes récentes sur les réseaux sociaux: #notamartyr, qui dénonçait la politisation des victimes d'attentats au Liban, et #stripforJackie, en soutien à la skieuse libanaise Jackie Chamoun.

«Les politiciens libanais désignent les Syriens comme la cause de tous les maux. Ils veulent unir les Libanais contre un ennemi commun au lieu de résoudre les vrais problèmes du pays. Nous voulons dire aux Syriens que tous les Libanais ne pensent pas comme ça», affirme Farah, une des initiatrices de la campagne.

Les internautes ont publié des dizaines de messages de soutien. «Tout Syrien n'est pas un criminel, tout Libanais n'est pas un innocent.» «Un jour, un Syrien nous a rendus fiers, toi et moi.»

La page Facebook a franchi le cap des 10 000 fans. Une première dans un pays où le sentiment anti-syrien existe depuis l'occupation de l'armée syrienne (1976-2005).

«Il était fondamental de créer une plateforme de discussion pour débattre rationnellement de la présence syrienne au Liban», explique Saad, un autre militant à l'origine de la campagne.

Sur Facebook, les échanges sont parfois vifs, certains internautes accusant ceux qui défendent les réfugiés syriens de manquer de «patriotisme» en faisant passer les Syriens avant les Libanais. Signe que la campagne a déjà en partie réussi son pari: lancer le débat.

Un million de réfugiés

En deux ans d'exode, l'ONU a enregistré pas moins de 1 million de réfugiés syriens au Liban. La barre symbolique du million a été officiellement franchie hier. Le nombre réel de réfugiés est certainement supérieur, une partie des réfugiés ne s'étant pas signalée. Le président libanais a affirmé que les Syriens représentent désormais 32% de la population libanaise. «Le Liban est le pays au monde avec le plus de réfugiés par habitant», selon Ross Mountain, coordinateur de l'aide humanitaire des Nations unies au Liban.