Les réfugiés syriens enregistrés au Liban ont dépassé jeudi le million, affectant profondément l'économie de ce petit pays victime de la guerre chez son voisin et pour lequel l'ONU a recommandé une aide d'urgence.

«Il ne s'agit pas seulement d'une tragédie personnelle mais aussi d'un terrible fardeau pour le Liban, qui accueille désormais le plus grand nombre de réfugiés par habitant au monde», a confié  aux journalistes Ninette Kelly, représentante au Liban du Haut commissariat de l'ONU pour les réfugiés (HCR).

En effet, ces hommes, femmes et enfants qui ont fui la guerre dans leur pays représentent aujourd'hui l'équivalent d'un quart de la population libanaise.

Selon l'Observatoire syrien des droits de l'Homme (OSDH), plus de 150 000 personnes ont été tuées depuis le début en mars 2011 du conflit en Syrie. Et d'après l'ONU, 6,5 millions de personnes ont été déplacées à l'intérieur de la Syrie et quelque 2,6 millions ont fui le pays, s'installant principalement dans les États voisins.

Le Liban «titube sous le poids de ce problème. Les services sociaux sont sous pression et la santé, l'éducation et les infrastructures sont en train de s'effondrer», note Mme Kelly.

Le HCR au Liban enregistre «quotidiennement 2500 nouveaux réfugiés, soit plus d'une personne par minute».

Yehia, un jeune homme de 18 ans originaire de la ville syrienne de Homs, a été le millionième réfugié à s'être enregistré dans le pays.

'Logé dans un garage' 

Son histoire est emblématique de celle de la population qui a dû fuir la Syrie en raison des violences meurtrières.

Lycéen quand la révolte a commencé au printemps 2011,  Yehia s'est retrouvé bloqué dans la Vieille ville de Homs (centre) d'où il a pu être évacué en février dernier. Il s'est alors rendu à Yabroud (au nord de Damas), pensant trouver un peu de quiétude mais cette ville rebelle a été bombardée avant d'être conquise par l'armée en mars.

Yehia a donc trouvé refuge dans le nord du Liban.

Il vit avec sa mère et ses deux soeurs dans un garage à Dinniyeh, près de la ville de Tripoli où plusieurs centaines de réfugiés attendaient jeudi de s'enregistrer.

«C'est une catastrophe», dit-il à l'AFP. «Ma mère a vendu son or pour que l'on puisse payer les 250 dollars de loyer mensuel». Son père, menuisier, a été tué par un sniper en 2011.

Comme lui, de plus en plus de réfugiés habitent dans des garages, tentes et étables, beaucoup dans des secteurs frontaliers directement touchés par la guerre en Syrie.

Selon le HCR, quelque 80 000 réfugiés nécessitent d'urgence des soins de santé, tandis que plus de 650 000 bénéficient d'une aide alimentaire mensuelle pour survivre.

«Le Liban accueille la plus importante concentration de réfugiés de toute l'histoire récente. Nous ne pouvons pas le laisser porter seul cette charge», a affirmé le chef du HCR, Antonio Guterres.

L'impact sur le Liban - en proie à des crises politiques à répétition et des conflits armés ponctuels depuis la fin de la guerre civile (1975-1990) - est en effet «immense», selon le HCR.

D'après la Banque mondiale, la crise syrienne a coûté au Liban 2,5 milliards de dollars en perte d'activité en 2013 et menace de faire basculer 170 000 Libanais dans la pauvreté d'ici fin 2014.

'Fardeau sans précédent' 

Parallèlement, alors que les services de base -électricité, eau, systèmes d'égouts, etc. -présentaient déjà d'importantes carences, ils sont mis à rude épreuve avec l'afflux de réfugiés, tout comme les hôpitaux, débordés, et les écoles, selon l'ONU.

Les enfants représentent «la moitié de la population syrienne réfugiée» et «le nombre d'enfants en âge d'être scolarisés dépasse désormais 400 000, éclipsant celui des enfants libanais dans les écoles publiques», a expliqué le HCR. Les écoles libanaises en accueillent plus de 100 000, une partie des autres enfants travaillent.

Pour M. Guterres, soutenir le Liban est «indispensable pour stopper la dégradation continue de la paix et de la sécurité dans cette société fragile».

Alors que l'ONU avait lancé un appel de fonds de 1,89 milliard de dollars pour 2014 pour ce pays, seuls 242 millions USD (13% du total) ont été reçus», a noté l'organisation.

Le ministre libanais des Affaires sociales, Rachid Derbés, a lui aussi appelé «la communauté internationale à partager ce fardeau sans précédent avec le Liban, avant que cette situation explosive ne prenne des proportions mondiales».