La guerre entre régime et rebelles va redoubler de violence en Syrie après l'échec du deuxième round de négociations de paix sous l'égide de l'ONU à Genève, sur fond de tensions renouvelées entre les parrains russe et américain.

Selon les experts, ce blocage va aggraver le conflit qui a dévasté le pays et fait plus de 140 000 personnes et plus de neuf millions de réfugiés et de déplacés depuis près de trois ans.

«J'ai peur que l'échec des discussions de Genève ne mène à une escalade militaire. Les choses vont probablement empirer», estime Volker Perthers, directeur du German Institute for International and Security Affairs.

«Les deux camps vont essayer de montrer qu'ils peuvent modifier en leur faveur l'équilibre sur le terrain et qu'ils ne sont pas obligés de négocier par faiblesse», ajoute-t-il.

Samedi à Genève, le médiateur international Lakhdar Brahimi s'est dit «tout à fait désolé» de cette impasse, affirmant qu'aucune date pour une nouvelle session de négociations n'a été fixée.

Les discussions n'ont en effet jamais réellement démarré, les protagonistes n'arrivant pas à se mettre d'accord sur un ordre du jour: le régime veut parler de «la lutte contre terrorisme» en allusion à la rébellion et l'opposition d'une période de transition sans le président Bachar al-Assad.

Solution négociée improbable

Signe que les insurgés veulent faire bouger les choses, l'Armée syrienne libre (ASL), première coalition formée pour lutter contre le régime, a limogé son chef d'état-major Sélim Idriss, après la multiplication des revers et la montée en puissance des groupes islamistes et jihadistes.

Le timing est crucial car ce changement pourrait se traduire par de nouvelles livraisons de matériel militaire pour l'ASL, notamment après l'échec à Genève.

«Aucun camp ne semble croire en une solution négociée pour l'instant», constate Aron Lund, expert sur la Syrie chez le consultant Carnegie Endowment. «Même s'ils en souhaitent une à longue échéance, ils vont tous deux chercher d'abord à avancer sur le terrain. Donc, plus de guerre».

Les violences n'ont d'ailleurs pas montré de signe de répit pendant les pourparlers, le régime usant notamment de ses redoutables barils d'explosifs sur les secteurs rebelles d'Alep (nord) faisant des centaines de morts selon une ONG.

Victoire à la Pyrrhus

Selon M. Lund, le scepticisme face aux négociations a gagné même les pays qui avaient fait pression sur l'opposition pour qu'elle se rende à Genève.

«Même les pays qui croient que de nouvelles discussions sont possibles pourraient vouloir montrer à Assad ce qu'il en coûte de torpiller des négociations de l'ONU», fait valoir M. Lund.

Les Etats-Unis ont accusé M. Assad de faire de l'«obstruction» à Genève menaçant d'accroître la pression sur lui. Et, signe de tensions renouvelées, ils ont reproché à la Russie, alliée du régime, de favoriser la «surenchère» du président syrien. Ce que Moscou a rejeté.

Pour Karim Emile Bitar, de l'Institut des relations internationales et stratégiques, la visite du président américain Barack Obama en Arabie saoudite, prévue fin mars, pourrait «se révéler décisive».

Ryad, comme Washington, soutient l'opposition, et a selon la presse augmenté ses livraisons d'armes modernes aux rebelles en dépit des hésitations américaines.

«Soit les Saoudiens parviennent à le (Obama) convaincre de faire un effort militaire supplémentaire en vue d'un changement de régime, soit Obama convainc les Saoudiens de contenir les rebelles», explique M. Bitar.

Sans avoir réussi à marquer le moindre point à Genève, les deux camps estiment avoir remporté une petite victoire -même à la Pyrrhus- en parvenant à maintenir leurs positions.

Ainsi, le régime a réussi à échapper à la pression de ses alliés pour discuter d'un gouvernement de transition. Et l'opposition a réussi à s'assurer le soutien de forces rebelles clés sur le terrain et pourrait désormais convaincre ses soutiens étrangers d'augmenter les livraisons d'armes.

Pour Charles Lister, du Brookings Doha Center, «une grande majorité de l'opposition militaire ne s'intéresse pas à une solution politique et cela ne devrait pas changer».

Et le régime, dit-il, «n'a rien cédé à l'opposition et cela pourrait l'encourager à lancer de nouvelles offensives sure le terrain».