Trois experts internationaux des crimes de guerre affirment avoir reçu une grande quantité de photos documentant le meurtre de quelque 11 000 détenus par les autorités syriennes.

L'un des experts, David Crane, a déclaré à l'Associated Press mardi que les photos fournissaient des preuves claires qui permettraient d'accuser le régime de Bachar el-Assad et d'autres responsables de crimes contre l'humanité.

Mais cela «dépend d'une décision politique est diplomatique», a-t-il souligné.

Dans les quelque 55 000 images numériques transmises par un déserteur de la police militaire syrienne, les corps des victimes présentent des marques évidentes de torture, tandis que d'autres présentent une maigreur extrême laissant croire qu'ils sont morts de faim.

Le rapport, commandé par le gouvernement du Qatar - l'un des principaux pays qui soutiennent l'opposition en Syrie - n'a pas pu être confirmé de source indépendante.

Les autorités syriennes ont photographié chaque corps pour montrer aux responsables qui avaient ordonné les exécutions qu'elles avaient bien été menées comme prévu, selon le rapport, dont l'existence a été rapportée pour la première fois lundi par The Guardian et CNN.

«La dernière fois que nous avons vu ce genre de meurtres industrialisés avec une tenue de dossiers aussi minutieuse, c'était à Nuremberg», a déclaré M. Crane, en référence aux procès intentés après la Seconde Guerre mondiale pour les atrocités commises par les nazis.

«C'est effrayant; il s'agit d'une preuve directe de meurtres systématiques de civils», a ajouté M. Crane, qui était auparavant procureur en chef du Tribunal spécial pour la Sierra Leone.

L'organisation américaine Human Rights Watch a estimé mardi que les États-Unis avaient trop mis d'efforts à réunir les deux parties à la table des négociations plutôt que d'exercer de «véritables pressions» sur le gouvernement syrien pour qu'il fasse cesser les atrocités et traduise les responsables en justice. Le groupe a aussi accusé la Russie et la Chine de protéger leur allié syrien contre toute action concrète des Nations unies.

«Les atrocités de masse commises en Syrie devraient être traitées avec autant d'importance que le processus de paix», a déclaré Kenneth Roth, directeur exécutif de Human Rights Watch, devant les journalistes à Berlin.

Pour les observateurs du conflit en Syrie, cette spirale de violence n'est pas un phénomène aléatoire, mais le résultat de décisions conscientes prises par une multitude d'acteurs.

«Dès le premier jour, il y avait déjà un niveau sans précédent de violence utilisée par le gouvernement», a rappelé Nadim Houry, directeur adjoint de Human Rights Watch pour le Moyen-Orient et l'Afrique du Nord.

«Depuis la guerre des Balkans et le génocide au Rwanda dans les années 1990, nous avons rarement vu un conflit avec autant de morts dans une si courte période de temps.»

Plus de 130 000 personnes ont été tuées dans le confit en Syrie, et plus du quart des quelque 23 millions de citoyens du pays vivent maintenant en tant que réfugiés, sur le territoire syrien ou dans les pays voisins. Les combattants qui cherchent à renverser le régime ont retourné leurs armes les uns contre les autres, et des centaines de milliers de civils se sont retrouvés coincés dans deux guerres parallèles.

«Je n'aurais jamais imaginé que cela puisse arriver à mon pays», a déclaré Ibrahim, un ancien enseignant de 41 ans dont le frère a été tué lors d'une frappe aérienne dans le nord de la Syrie l'an dernier. «Il avait deux enfants et sa femme, qui est toujours en état de choc, ne parle plus depuis», a-t-il ajouté lors d'une entrevue par Skype. Il a refusé de donner son nom de famille par crainte de représailles.

Ibrahim vit maintenant avec des proches en Syrie en attendant d'avoir une occasion de quitter le pays. «Il n'y a plus d'avenir ici», a-t-il estimé.