Les djihadistes de l'État islamique en Irak et au Levant (EIIL), chassés par leurs anciens alliés islamistes de la ville d'Alep, sont passés à l'offensive dans plusieurs provinces du nord de la Syrie.

Ces luttes intestines entre rebelles n'ont pas empêché plusieurs brigades de lancer mercredi soir une opération contre les forces du régime qui a coûté la vie à au moins 45 d'entre eux à Homs (centre), selon l'Observatoire syrien des droits de l'homme (OSDH).

Et les attentats se poursuivent: l'explosion d'une voiture piégée a tué au moins 18 personnes jeudi dans un village tenu par le régime dans la province de Hama (centre), selon l'OSDH, qui s'appuie sur un vaste réseau de militants et de sources médicales.

Exaspérée par les abus commis par l'EIIL et par sa volonté de dominer la rébellion, une coalition regroupant en grande majorité des islamistes a déclaré la guerre il y a une semaine au groupe jihadiste.

Dans une contre-attaque, l'EIIL a fait exploser plusieurs voitures piégées mercredi soir contre des postes de contrôle rebelles.

«Au moins neuf personnes ont péri dans un attentat de l'EIIL contre un barrage rebelle à al-Bab», dans la province d'Alep, a ainsi rapporté à l'AFP Rami Abdel Rahmane, directeur de l'OSDH.

D'autres attaques ont eu lieu dans cette province et celle de Deir Ezzor (est), tandis que des combats ont fait rage dans les provinces de Raqa, Idleb et Alep.

À Raqa (nord), les rebelles ont pris le contrôle d'une position stratégique à 400 mètres du QG de l'EIIL, qui contrôle cette ville.

Dans le même temps, les rebelles ont tenté de briser l'étau qui enserre depuis plus d'un an certains quartiers du centre de Homs. Mais ils ont été «pris dans une embuscade par les forces du régime», a déclaré M. Abdel Rahmane.

Guerre d'usure

Selon des experts, l'EIIL, qui a parallèlement pris le contrôle de zones urbaines dans l'ouest de l'Irak, ne peut pas gagner en Syrie, mais il sera difficile de le chasser du pays.

«Il est numériquement trop faible par rapport aux autres groupes rebelles. Toutefois, il sera extrêmement difficile de l'éliminer complètement et on peut s'attendre à le voir conduire une guerre d'usure contre les rebelles, en particulier par le biais d'attentats», a expliqué Thomas Pierret, expert de l'islam contemporain syrien.

L'ONU et de nombreuses ONG tirent régulièrement la sonnette d'alarme sur la situation humanitaire en Syrie, où une révolte pacifique lancée en mars 2011, réprimée dans le sang, s'est transformée en une guerre civile dévastatrice.

Jeudi, l'agence de l'ONU pour l'aide aux réfugiés palestiniens (UNRWA) a fait état de «l'extrême souffrance» des habitants du camp palestinien de Yarmouk à Damas, assiégé depuis que les rebelles en ont pris le contrôle il y a plus d'un an.

Quinze personnes sont mortes de faim à Yarmouk depuis septembre, selon le porte-parole de l'UNRWA Chris Gunness.

L'UNRWA a appelé les autorités à laisser passer l'aide humanitaire, mais selon la télévision officielle, un convoi d'aide a été bloqué «par les gangs terroristes», terme utilisé par Damas pour désigner les rebelles.

Selon des militants, la situation est également dramatique dans les quartiers assiégés de Homs, où plusieurs milliers de civils piégés manquent de nourriture.

À moins de deux semaines d'une conférence de paix prévue en Suisse pour tenter de réunir des représentants du régime et de l'opposition, cette dernière était sous une forte pression pour accepter d'y participer.

Plongée dans une crise interne face à cette question, la Coalition nationale de l'opposition a repoussé sa décision au 17 janvier.

Les divisions se sont révélées si profondes que cinq membres ont démissionné ces derniers jours et 40 autres se sont «retirés», a déclaré à l'AFP Samir Nashar, un membre de la Coalition.

L'opposition exige que le président Bachar al-Assad soit exclu de toute transition, tandis que le régime soutient que l'avenir du chef de l'État ne doit pas être à l'ordre de cette conférence, qui doit s'ouvrir le 22 janvier en Suisse.

Dans une conversation téléphonique avec son homologue russe Vladimir Poutine, le président iranien Hassan Rohani a prévenu que la conférence serait un échec si l'Iran, principal allié régional de Damas, n'était pas invité.

«Une réunion transrégionale à laquelle des acteurs influents ne participent pas ne sera pas à même de résoudre la crise syrienne», a-t-il insisté.