Plus divisée que jamais, l'opposition syrienne se réunit à partir de samedi à Istanbul pour accoucher d'une position commune sur sa participation à une éventuelle conférence de paix à Genève aux côtés du régime de Damas, sous la pression de ses soutiens internationaux.

Au terme de deux jours de pourparlers avec Russes et Américains qui n'ont pas permis de fixer une date pour ce rendez-vous, l'émissaire spécial de l'ONU et de la Ligue arabe a résumé crûment l'enjeu des discussions du week-end.

«Il doit y avoir deux délégations pour la Syrie à Genève-2, le gouvernement et l'opposition», a souligné mardi Lakhdar Brahimi. Mais «l'opposition est divisée et n'est pas prête», a-t-il regretté, «l'opposition est l'un des problèmes».

Toujours en quête de crédibilité vis-à-vis des pays «amis» qui la soutiennent et des groupes rebelles qui combattent depuis plus de deux ans les troupes régulières syriennes sur le terrain, la Coalition de l'opposition répugne à s'asseoir à la même table que le régime.

Depuis des semaines, son président Ahmad Jarba a fixé des conditions très strictes à un éventuel déplacement sur les berges du lac Léman. Il exige notamment que la conférence de Genève aboutisse à un départ du président Bachar al-Assad, ainsi qu'un cessez-le-feu pendant toute la durée des discussions.

Le régime de Damas a catégoriquement rejeté ce scénario. «Nous n'irons pas à Genève pour remettre le pouvoir», a répété cette semaine le ministre de l'Information Omrane al-Zohbi.

Une participation de la principale vitrine politique des adversaires du régime syrien paraît donc hautement improbable. Sauf que certains de ses membres, pressés par leurs «amis» occidentaux, semblent prêts à franchir le Rubicon.

Un ancien vice-premier ministre syrien, Qadri Jamil, récemment démis de ses fonctions, a fait savoir qu'il se rendrait à Genève. Les Kurdes de Syrie aussi. Et à en croire le vice-ministre russe des Affaires étrangères Mikhaïl Bogdanov, d'autres opposants ont accepté l'offre de rencontrer des représentants du régime à Moscou.

Discussions agitées

En réaction, la principale composante de l'opposition, le Conseil national syrien (CNS), a assuré qu'elle ne ferait pas le voyage en Suisse et a même menacé de claquer la porte de la Coalition si certains de ses membres y consentaient.

Dans ces conditions, les discussions d'Istanbul s'annoncent délicates.

L'opposition «hésite à juste titre» sur le format de Genève 2 et l'avenir du président Assad, a jugé jeudi le porte-parole du ministère turc des Affaires étrangères, Levent Gumrukcu.

«Mais le sommet de Londres a répondu à ces préoccupations (...) nous sommes en contact permanent avec l'opposition», a ajouté le diplomate turc, confirmant les efforts des Occidentaux pour convaincre la Coalition de se rallier à Genève 2.

Fin octobre, les onze pays occidentaux et arabes «amis de la Syrie» se sont prononcés à l'unanimité pour que l'actuel chef de l'État syrien ne joue «aucun rôle dans le futur gouvernement» du pays. Sans parvenir toutefois à lever les craintes de ses adversaires.

«Le contexte est très difficile pour l'opposition», a concédé un diplomate occidental. «L'armée d'Assad remporte des succès, la situation des populations des villes assiégées est très précaire et des groupes rebelles importants ont rejeté son autorité», a-t-il ajouté à l'AFP, «la tentation de la surenchère anti-Genève existe».

«Nous nous orientons vers une non-participation à la conférence», anticipe ainsi un membre de la Coalition, Samir Nashar. «Est-ce que cette position va changer ? Je n'en sais rien mais je peux dire qu'une intense activité politique est en cours», a-t-il indiqué à l'AFP».

En l'absence de tout calendrier pour une éventuelle conférence de Genève, certains observateurs parient donc que l'opposition renverra sa décision à plus tard. «Il faut s'attendre à des débats difficiles et tendus mais pas à des décisions définitives», a pronostiqué le diplomate occidental.