Les États-Unis et leurs alliés ont insisté lundi pour une résolution «contraignante» à l'ONU sur le désarmement chimique en Syrie, menaçant le régime de «conséquences» s'il ne respecte pas ses obligations, suscitant l'opposition de la Russie, qui refuse toute menace.

Deux jours après l'accord américano-russe conclu à Genève sur le désarmement chimique de la Syrie, les chefs de la diplomatie des États-Unis, de la France et du Royaume-Uni se sont réunis à Paris pour refaire leur unité sur le dossier syrien et se prononcer pour une résolution «forte et contraignante» du Conseil de sécurité des Nations unies.

John Kerry et William Hague ont tous deux insisté pour dire qu'il y aurait des «conséquences» si Damas ne respecte pas ses nouvelles obligations, Laurent Fabius allant jusqu'à évoquer «des conséquences sérieuses».

La menace de recourir à la force était contenue dans un premier projet de résolution, élaboré par Paris la semaine dernière, mais jugé «inacceptable» par Moscou. Ce projet servira pourtant de «point de départ» pour les discussions cette semaine, a-t-on assuré de source diplomatique française, et, mardi, Laurent Fabius se rendra à Moscou pour s'en entretenir avec son homologue Sergueï Lavrov.

Selon la présidence française, lors de la rencontre tripartite tenue à l'Élysée, les trois pays ont «jugé essentiel» de parvenir à un texte de résolution «fort et contraignant». Il s'agit d'obliger Damas, selon un «calendrier précis», à dresser l'inventaire de son arsenal chimique et à le faire vérifier jusqu'à son démantèlement d'ici la mi 2014, a-t-on précisé de même source.

Moscou a immédiatement réagi aux déclarations des ministres occidentaux, en affirmant compter sur les États-Unis pour s'en tenir au texte de l'accord conclu à Genève, et ne pas aller au-delà.

«Si quelqu'un veut menacer, chercher des prétextes pour des frappes, c'est une voie qui suggère à l'opposition au régime qu'on attend d'eux de nouvelles provocations, et c'est même une voie qui peut saper définitivement la perspective de Genève 2», la conférence de paix que la communauté internationale tente d'organiser pour mettre fin à la crise syrienne, a jugé le chef de la diplomatie russe, Sergueï Lavrov.

Il a souligné que l'accord conclu samedi avec le secrétaire d'État américain, John Kerry, ne prévoyait pas que la future résolution encadrant le démantèlement de l'arsenal chimique syrien fasse mention du recours au chapitre 7 de la charte de l'ONU, qui autorise le recours à la force en dernier ressort.

Une interprétation radicalement différente de celle de M. Kerry, qui a jugé que «l'accord engage totalement les États-Unis et la Russie à imposer des mesures sous le chapitre 7 en cas de non-application».

Lundi, Paris a annoncé également une réunion internationale fin septembre à New York avec l'opposition syrienne, jusqu'ici très opposée à l'accord russo-américain conclu à Genève.

La participation de la Russie, fidèle alliée du régime syrien, à cette future rencontre reste incertaine. Jusqu'à présent, Moscou a toujours refusé de participer aux réunions du groupe dit des «Amis de la Syrie» visant à soutenir l'opposition.

Une solution politique en Syrie risque cependant d'être compliquée à mettre en oeuvre si l'on en croit les conclusions d'une étude de l'institut de défense britannique IHS Jane's, publiées lundi par le quotidien Daily Telegraph. Les djihadistes et les islamistes membres de groupes extrémistes forment près de la moitié des forces rebelles qui combattent le régime syrien, selon cette étude. Or, les pays occidentaux souhaitent que la transition soit assurée exclusivement par de «vrais démocrates».

Rapport «accablant» de l'ONU dans la journée

La remise du rapport crucial des inspecteurs de l'ONU sur le massacre chimique commis près de Damas le 21 août est attendue à New York lundi à 15 h 15 GMT (11 h 15 à Montréal).

Selon le secrétaire général des Nations unies, Ban Ki-moon, le document va «conclure de manière accablante» à l'utilisation d'armes chimiques, sans toutefois désigner qui est responsable du massacre du 21 août près de Damas ayant fait près de 1500 morts, selon Washington et Paris.

Des diplomates affirment toutefois que les détails compilés dans le rapport vont clairement permettre d'identifier les responsables et que les soutiens du président syrien vont devoir apporter la preuve de leur innocence.

Les menaces pourraient «faire échouer» le processus de paix

La Russie a également souligné lundi qu'elle comptait sur les États-Unis pour s'en tenir à l'accord de Genève sur les armes chimiques syriennes, mettant en garde contre une résolution prévoyant des menaces qui ferait échouer le processus de paix.

«Je suis certain que malgré toutes les déclarations émanant de certaines capitales européennes, la partie américaine s'en tiendra strictement à ce qui a été convenu», a déclaré devant la presse le ministre des Affaires étrangères russe, ajoutant qu'agiter des menaces pouvait «faire échouer» le processus de paix.

«Si quelqu'un veut menacer, chercher des prétextes pour des frappes, c'est une voie qui suggère à l'opposition au régime qu'on attend d'eux de nouvelles provocations, et c'est même une voie qui peut saper définitivement la perspective de Genève 2», la conférence de paix que la communauté internationale tente d'organiser pour mettre fin à la crise syrienne, a-t-il ajouté.

Le ministre russe s'exprimait à l'issue d'entretiens à Moscou avec son homologue égyptien Nabily Fahmy.

«Nous devons comprendre que si nous voulons régler la question de la destruction des armes chimiques en Syrie, alors la feuille de route russo-américaine offre une voie professionnelle et concrète», a encore déclaré M. Lavrov.

Il a souligné que l'accord conclu samedi avec le secrétaire d'Etat américain ne prévoyait pas que la résolution à adopter au Conseil de sécurité de l'ONU sur le démantèlement de l'arsenal chimique syrien fasse mention du recours au chapitre 7 de la charte de l'ONU, qui autorise le recours à la force.

«Nos collègues américains avaient très envie que cette résolution soit adoptée sous chapitre 7. Mais le document final que nous avons approuvé, et qui constitue notre feuille de route et un engagement mutuel, ne contient pas une telle mention», a déclaré M. Lavrov.

L'option d'une intervention militaire reste sur la table, a averti dimanche le président Hollande, tout comme John Kerry. S'exprimant après sa rencontre avec M. Kerry, le premier ministre israélien, Benyamin Nétanyahou, a également estimé que «pour que la diplomatie ait une quelconque chance de réussir, elle doit être accompagnée d'une menace militaire crédible».

Les déclarations américaines sur la possibilité de frappes sont «une menace pour toute la région» et ont «un parfum d'agression», a réagi le ministre syrien de l'Information, Omrane al-Zohbi, qui a accueilli l'accord de Genève comme «une victoire pour la Syrie».

«Nous acceptons le plan russe de nous débarrasser de nos armes chimiques. Nous avons en fait commencé à préparer notre liste» de cet arsenal, a affirmé le ministre. «Nous ne perdons pas de temps», a-t-il assuré.