La Russie a appelé vendredi à faire confiance à Bachar al-Assad au deuxième jour de discussions russo-américaines tendues sur les armes chimiques à Genève.

«Je pense que nous devons saluer cette décision de la direction syrienne» de rejoindre la convention sur l'interdiction des armes chimiques et «je veux exprimer l'espoir que ce sera un pas important vers le règlement de la crise», a déclaré le président russe Vladimir Poutine lors d'un sommet régional au Kirghizstan.

La veille, le président syrien Bachar al-Assad s'était engagé à envoyer aux Nations unies les documents nécessaires pour signer un accord sur l'interdiction de l'utilisation des armes chimiques, mais avait posé ses conditions: que les États-Unis cessent de «menacer» de frappes militaires et «de livrer des armes» aux rebelles.

Les Nations Unies ont annoncé dans la foulée avoir reçu «un document d'adhésion de la part du gouvernement syrien concernant la convention sur les armes chimiques».

À Genève, les chefs de la diplomatie russe et américaine, Sergueï Lavrov et John Kerry se sont réunis vendredi matin avec l'émissaire spécial des Nations Unies pour la Syrie Lakhdar Brahimi. Ce dernier est en charge de la préparation d'une conférence internationale dite Genève 2 pour rechercher une solution politique, mais sa mission est totalement dans l'impasse depuis des mois faute de consensus international.

À l'issue de cet entretien à trois, John Kerry a annoncé qu'Américains et Russes avaient décidé de se retrouver à New York en marge de l'Assemblée générale de l'ONU fin septembre pour essayer de fixer une date pour une conférence de paix sur la Syrie.

MM. Kerry et Lavrov devaient ensuite reprendre leurs négociations sur le contrôle de l'arsenal chimique syrien, devenu brusquement la question centrale d'une crise qui a pourtant fait plus de 110 000 morts par armes conventionnelles.

Leurs premières discussions jeudi ont été jugées «bonnes et constructives» par le secrétaire d'Etat américain.

Signe d'une bonne ambiance, MM. Kerry et Lavrov sont arrivés ensemble vendredi matin dans la voiture du secrétaire d'État pour le court parcours qui sépare l'hôtel où ils se réunissent du siège des Nations Unies à Genève.

Mais cela ne préjuge en rien d'un succès des discussions entre Kerry, diplomate opiniâtre, et Lavrov, unanimemement considéré comme un négociateur «redoutable».

Avant leur première rencontre jeudi en fin de journée, les deux hommes avaient étalé publiquement leurs divergences devant la presse, notamment sur la question du maintien de la menace de frappes militaires américaines mais ils ont également affirmé leur «détermination» à mettre en place un processus pour neutraliser cet arsenal.

Armes disséminées sur tout le territoire?

Les discussions à Genève, qui ont débuté jeudi pour au moins deux jours, et auxquelles participent des experts en désarmement, portent sur la façon de placer l'arsenal chimique syrien sous contrôle international, après l'initiative lancée lundi par Moscou.

Vendredi, le quotidien Wall Street Journal a affirmé que la Syrie avait commencé à disséminer son arsenal chimique sur une cinquantaine de sites différents, pour compliquer la tâche de ceux appellés à les contrôler.

Le journal, qui cite des responsables américains anonymes, affirme qu'une unité militaire spécialisée déplace depuis des mois, y compris la semaine dernière, ces stocks d'armes chimiques, qui dépassent le millier de tonnes, selon des experts.

Par ailleurs, elles se tiennent alors que les forces du régime syrien sont accusées d'un nouveau massacre. Dans un rapport publié à Beyrouth, l'organisation humanitaire Human Rights Watch (HRW) affirme que ces dernières ont exécuté au moins 248 personnes dans deux villages de la province côtière de Tartous les 2 et 3 mai dernier.

Elle a estimé que le bilan était probablement beaucoup plus élevé et qualifié ce massacre de «l'une des exécutions sommaires les plus massives depuis le début du conflit en Syrie» il y a deux ans et demi, en demandant qu'il soit imputé au régime en place.

La rencontre de Genève est censée ouvrir une voie diplomatique pour le conflit en Syrie et à repousser une éventuelle action militaire punitive des États-Unis et de la France après l'attaque du 21 août.

Paris a soumis à ses partenaires de l'ONU un projet de résolution qui prévoit un éventuel recours à la force en cas de manquements de Damas à ses obligations de désarmement chimique, un texte jugé «inacceptable» par la Russie.

Le général Sélim Idriss, chef de l'Armée syrienne libre (ASL, rebelles), a rejeté jeudi le plan russe. Pour la Coalition nationale syrienne (opposition), l'initiative russe est une «manoeuvre politique destinée à faire gagner du temps» à Bachar al-Assad.