Le régime en Syrie s'attend à une frappe occidentale à tout moment après la détermination affichée par la France et les États-Unis d'agir contre lui,  même si le président russe Vladimir Poutine l'a défendu samedi en jugeant «absurdes» les  accusations d'attaque chimique.

Le pouvoir syrien, qui a nié recourir aux armes chimiques et retourné l'accusation contre les rebelles, a rejeté comme des «mensonges» le rapport des renseignements américains sur une implication de son armée dans une attaque chimique le 21 août près de Damas qui a fait 1429 morts dont 426 enfants.

Après le départ samedi des experts de l'ONU en armes chimiques de Damas, une fenêtre d'opportunité pour d'éventuelles frappes s'est ouverte selon les experts, alors que M. Obama doit participer les 5 et 6 septembre au sommet du G20 à Saint-Petersbourg.

Et entretemps, la Ligue des États arabes divisés sur le dossier syrien a annoncé avoir avancé à dimanche une réunion de ses chefs de la diplomatie au Caire, après avoir fait porter mardi au régime syrien «l'entière responsabilité» de l'attaque chimique présumée.

«Nous nous attendons à une agression à tout moment et nous sommes prêts à riposter également à tout moment», a déclaré un responsable de sécurité syrien. «Cette agression (occidentale) non justifiée ne (passerait) pas sans une riposte».

Il s'exprimait après quatre journées d'enquête des experts de l'ONU qui se sont rendus sur les sites de l'offensive près de Damas et dans des hôpitaux, effectuant de nombreux prélèvements, en particulier sanguins, d'urine et de cheveux sur des victimes.

Même si l'analyse des échantillons pourrait prendre des semaines, les experts doivent faire un rapport préliminaire au patron de l'ONU Ban Ki-moon à New York.

Malgré l'opposition des autres grandes puissances -Londres, Moscou, Pékin- à une intervention militaire dans la guerre civile en Syrie, les présidents américain Barack Obama et français François Hollande veulent adresser un «message fort» au régime Assad.

Les Syriens fuient ou se préparent à une frappe

Washington a expliqué ne s'attendre à rien de nouveau du rapport onusien, et M Obama a même condamné «l'impuissance» du Conseil de sécurité de l'ONU face au conflit en Syrie qui a fait depuis mars 2011 plus de 100 000 morts et poussé des millions de personnes à fuir.

«L'enquête de l'ONU ne dira pas qui a utilisé ces armes chimiques. Ils vont seulement dire si de telles armes ont été utilisées. De par son mandat, la mission de l'ONU ne peut rien nous dire que nous n'avons pas déjà partagé avec vous ou que nous ne sachions pas», a insisté vendredi le secrétaire d'État John Kerry, en qualifiant l'attaque de «crime contre l'humanité».

Montant au créneau, M. Poutine, un allié du régime Assad, a qualifié d'«absurdité totale» l'idée que l'armée syrienne ait pu «fournir un tel prétexte» à une intervention étrangère et a demandé aux États-Unis de montrer leurs preuves à l'ONU.

Sinon, «cela veut dire qu'il n'y en a pas», a insisté le président russe dont le pays a envoyé deux nouveaux bateaux de guerre en Méditerranée.

Ces derniers jours, les États-Unis ont renforcé leurs capacités près des côtes syriennes et disposent désormais de cinq destroyers équipés de missiles de croisière capables de mener des attaques ciblées contre des dépôts de munitions ou des infrastructures stratégiques du régime.

Les habitants de la capitale syrienne, habitués au bruit des explosions du fait des incessants combats entre rebelles et soldats en banlieue ou dans des quartiers périphériques, redoutent une frappe occidentale.

«Rester à Damas et attendre les coups, c'est terrifiant», a affirmé Joséphine, une mère de famille de 50 ans, qui a décidé de partir au Liban voisin avec ses enfants.

À la frontière libanaise, des journalistes de l'AFP ont vu des dizaines de familles syriennes passer samedi matin, dans un afflux régulier de voitures surchargées, passagers hagards et coffres ouverts débordant de sacs et de valises.

Les rues étaient en revanche vides à Damas en ce second jour de week-end, alors que des bombardements résonnaient en banlieue. Les habitants cherchaient à faire des provisions de carburant pour les générateurs électriques.

Pas d'impact sur la guerre civile

Après le coup de théâtre, jeudi du refus du Parlement britannique d'une intervention militaire, et face à l'impasse à l'ONU, Washington a dit pouvoir compter sur des alliés comme la France, la Ligue arabe et l'Australie.

Même s'il a affirmé n'avoir pas encore pris de «décision finale», M. Obama a évoqué une action «limitée» en Syrie, disant ne pas «pouvoir accepter un monde dans lequel des femmes, des enfants et des civils innocents sont gazés». «Quoi qu'il arrive, nous n'envisageons pas une action militaire comprenant des soldats au sol et une longue campagne».

Paris et Washington ont souligné ne pas chercher à renverser le régime Assad ni faire pencher l'équilibre des forces du côté des rebelles, mais vouloir faire en sorte que plus personne n'ait recours à des armes chimiques.

Selon des experts, d'éventuelles frappes ne devraient pas avoir d'impact sur la guerre civile, dont rien ne dit qu'elle ne repartira pas de plus belle dans un pays ravagé par les violences et les destructions causées quasi-exclusivement par des armes conventionnelles.

Au-delà de la Syrie, une action militaire doit servir d'avertissement à l'Iran, au Hezbollah ou à la Corée du Nord, a aussi expliqué M. Kerry.

Armes chimiques : une ONG fait état de plus de 500 morts près de Damas

Plus de 500 personnes, dont 80 enfants, ont été tuées dans l'attaque présumée aux armes chimiques du 21 août près de Damas, a indiqué samedi l'Observatoire syrien des droits de l'Homme (OSDH), en évoquant un bilan encore provisoire.

Jusqu'à samedi, «l'OSDH a recensé 502 morts, dont 80 enfants, 137 femmes et des dizaines de rebelles, dans le massacre perpétré par le régime syrien dans les villages de la Ghouta orientale et occidentale» près de Damas.

Un rapport des services de renseignements américains sur une implication de l'armée syrienne dans cette même attaque a fait état de la mort de 1429 personnes, dont 426 enfants.

L'OSDH, une ONG basée au Royaume-Uni qui s'appuie sur un large réseau de militants et de sources médicales civiles et militaires à travers la Syrie, avait recensé la semaine dernière 322 morts.

L'ONG a précisé samedi avoir obtenu auprès de médecins «des rapports et témoignages médicaux qui montrent que la plupart des personnes sont mortes après avoir été exposées à des gaz toxiques».

L'opposition syrienne et plusieurs capitales ont accusé le pouvoir d'avoir mené des attaques à l'arme chimique le 21 août, mais le régime a nié recourir à ce type d'armes et retourné l'accusation contre les rebelles.

L'ONU a dépêché des inspecteurs sur place, qui ont quitté la Syrie samedi après avoir effectué de nombreux prélèvements, en particulier sanguins, d'urine et de cheveux. Ces prélèvements doivent maintenant être analysés, ce qui pourrait prendre des semaines.