Des experts de l'ONU se sont rendus lundi sur le site d'une attaque présumée à l'arme chimique près de Damas, malgré les tirs essuyés par leur convoi, sur fond de tractations internationales concernant une possible intervention militaire contre le régime.

Les experts de l'ONU ont pu recueillir dans deux hôpitaux des témoignages de victimes de l'attaque chimique présumée survenue le 21 août dans la banlieue de Damas, a indiqué lundi le secrétaire général des Nations unies Ban Ki-moon.

Les enquêteurs onusiens, dont le convoi avait auparavant essuyé des tirs d'un sniper non identifié, «ont bien l'intention de continuer leur travail» mardi, a par ailleurs indiqué Farhan Haq, un porte-parole de l'ONU qui a précisé que l'équipe «est de retour à sa base pour évaluer les éléments qu'elle a recueillis aujourd'hui» lundi. Il a refusé de préciser où se rendraient mardi les experts.

L'ONU a émis une «ferme protestation» auprès des autorités syriennes et de l'opposition à la suite des tirs essuyés par leur convoi lundi matin de la part «d'un tireur non identifié», a déclaré M. Ban dans un message diffusé par la télévision de l'ONU depuis Séoul où il est en voyage. Le régime syrien et l'opposition se sont mutuellement accusés d'être à l'origine de ces tirs.

L'équipe de l'ONU s'est finalement rendue dans la région après avoir changé de véhicule à la suite des tirs.

Lors de leur retour dans la banlieue de Damas après cet incident et malgré «ces circonstances très difficiles», a précisé le secrétaire général de l'ONU, les experts ont pu «visiter deux hôpitaux et parler à des témoins, des survivants, et des médecins et ils ont pu aussi recueillir des échantillons». Il n'a pas précisé la localisation exacte de ces hôpitaux.

Il faudra «attendre un peu pour avoir le premier avis du Dr (Aake) Sellström», chef de l'équipe, sur les éléments recueillis lundi, a souligné M. Ban.

La protestation de l'ONU, a-t-il précisé, a été transmise par la haute représentante de l'ONU pour le désarmement Angela Kane qui se trouve actuellement à Damas «afin que ceci (les tirs sur le convoi) ne se reproduise jamais et que la sécurité des équipes d'enquêteurs soit assurée à partir de demain».

La collecte d'informations et d'échantillons menée lundi «a été très productive» et l'équipe «semble très satisfaite de son travail», a de son côté souligné Farhan Haq.

Revenant sur l'incident de lundi matin, le porte-parole a précisé que «la voiture de tête (du convoi) avait été la cible de tirs qui ont touché ses pneus et une vitre avant» et l'ont rendue inutilisable. Il a indiqué «ne pas avoir de détails» sur la direction des tirs.

L'opposition et les pays occidentaux accusent le régime syrien d'avoir fait usage d'armes chimiques et d'avoir tué des centaines de personnes le 21 août à Moadamiyat al-Cham et la Ghouta orientale, deux régions contrôlées par les rebelles à l'ouest et à l'est de Damas.

Fustigeant les allégations de l'opposition et de certaines capitales occidentales, le président syrien Bachar al-Assad a mis en garde contre toute intervention étrangère, l'estimant vouée à l'échec.

Après avoir essuyé des tirs, les enquêteurs de l'ONU sont finalement parvenus à se rendre à Moadamiyat al-Cham, une localité au sud-ouest de Damas tenue par les rebelles et cible mercredi, selon l'opposition, d'une attaque à l'arme chimique par le régime.

«Ils ont visité le centre du Croissant-Rouge où ils se sont entretenus avec des médecins» et avec «des personnes atteintes des effets des armes chimiques et des proches de martyrs», a déclaré à l'AFP via Skype Abou Nadim, un militant de la province de Damas.

Dans des vidéos diffusées sur l'internet, les inspecteurs sont apparus dans ce qui ressemble à un hôpital de fortune, portant des casques bleus.

Répondant aux accusations sur un recours aux armes chimiques, le président Assad a estimé qu'il était «contraire au bon sens» de pointer du doigt son régime avant l'enquête. Il a aussi prévenu qu'en cas d'intervention militaire, «les États-Unis essuieraient un échec».

«Les menaces occidentales de frappe contre la Syrie entrent dans le cadre des pressions psychologiques et politiques (...), mais nous sommes prêts à faire face à tous les scénarios», a par ailleurs affirmé à l'AFP un haut responsable au sein des services de sécurité syriens.

Ces déclarations sont intervenues en pleines tractations sur une possible action militaire étrangère.

Le chef de la diplomatie britannique William Hague a estimé qu'il était «possible» de répondre à l'usage d'armes chimiques sans l'aval du Conseil de sécurité de l'ONU, tout en refusant de «détailler les options militaires» envisagées par les Occidentaux.

Redisant sa conviction que le régime avait utilisé des armes chimiques le 21 août, il a jugé qu'une intervention serait possible pour des motifs de «détresse humanitaire».

Le secrétaire américain à la Défense Chuck Hagel a déclaré pour sa part que les forces américaines étaient prêtes à agir si nécessaire.

«Il y a des signes forts en direction de l'utilisation d'armes chimiques» par le régime syrien, a affirmé un responsable américain aux journalistes voyageant avec M. Hagel.

Un autre responsable américain a affirmé à l'AFP que l'autorisation de Damas pour l'enquête - quatre jours après l'attaque présumée - arrivait «trop tard pour être crédible, notamment parce que les preuves disponibles ont été largement altérées par les bombardements continus menés par le régime».

Pour autant, la Maison-Blanche a démenti des informations du quotidien britannique The Telegraph affirmant que Washington et Londres s'apprêtaient à lancer une action militaire commune «dans les prochains jours».

Pour le chef de la diplomatie française Laurent Fabius, les pays occidentaux décideront d'une réaction «arbitrée dans les jours qui viennent», tandis que la Turquie s'est dite prête à rejoindre une coalition contre la Syrie, même sans consensus à l'ONU.

Selon des experts, les pays occidentaux pourraient mener des frappes chirurgicales contre des intérêts stratégiques, sans pour autant s'engager dans une intervention de longue durée.

Mais la Russie, puissante et fidèle alliée du régime, a mis en garde contre une intervention militaire sans aval du Conseil de sécurité de l'ONU, estimant qu'elle serait «dangereuse».

Son chef de la diplomatie, Sergueï Lavrov, a souligné que les Occidentaux étaient incapables de fournir des «preuves» concernant l'utilisation présumée d'armes chimiques.

Autre allié du régime syrien, l'Iran a mis en garde les États-Unis contre de «dures conséquences» en cas d'intervention, alors qu'un groupe palestinien proche du régime syrien, le Front populaire de libération de la Palestine-Commandement général, a menacé de représailles.

La Chine a préconisé elle la «prudence, afin d'éviter toute ingérence».

L'Allemagne a de son côté indiqué qu'elle approuverait une éventuelle «action» de la communauté internationale si l'usage d'armes chimiques en Syrie était confirmé, tandis que l'Arabie saoudite exhortait le Conseil de sécurité de l'ONU à agir face aux «massacres effroyables» commis selon elle par les autorités syriennes.

Lundi, de hauts responsables militaires de pays occidentaux et musulmans doivent entamer une réunion de deux jours en Jordanie pour discuter «des scénarios» possibles après les «dangereux développements» en Syrie, selon Amman. Cette réunion rassemblera entre autres le chef d'état-major inter-armées américain, le général Martin Dempsey.

Sur le terrain, les rebelles ont marqué un point lundi en coupant la seule route d'approvisionnement de l'armée vers la province septentrionale d'Alep, selon l'Observatoire syrien des droits de l'homme (OSDH).

Des bombardements du régime sur la Ghouta orientale ont par ailleurs fait six morts, dont deux enfants, selon cette ONG qui s'appuie sur un réseau de militants et sources médicales.